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Poèmes de prisonniers d'après Th. de Viau

by Collectif d'élèves Chaplin / Montsauvy (Mme C. Allingri)

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Editions Charlie Sauvy
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Poèmes de prisonniers

d'après Théophile de Viau
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2019
Poèmes de prisonniers
Collectif

d'après les Ecrits de prison
de Théophile de Viau
Editions Charlie Sauvy
2019
Le Mot des profs
Dans le cadre du cours de français, les élèves sont invités, au collège comme au lycée, à lire des oeuvres littéraires patrimoniales et à se les approprier par un travail personnel. Le livre est un vecteur de réflexion sur le monde contemporain et sur l'Histoire, sur soi et sur les autres, sur une esthétique. Dans ce temps lent et intime, l'élève est amené à donner son avis et son ressenti sur l'oeuvre.

Le projet, qui a réuni les élèves de 4e2, 4e3 et 4e6 du collège Montsauvy à Orgon (13) et les secondes 202 du lycée Charlie Chaplin à Décines (69), a commencé par une lecture subjective du recueil des Ecrits de prison de Théophile de Viau, un poète du XVIIe siècle condamné pour son libertinage (au sens du XVIIe siècle, donc surtout de liberté de pensée par rapport à l'imposition du dogme catholique).

Après s'être imprégnés de cet auteur classique, les élèves ont été progressivement conduit à choisir un prisonnier et à inventer son histoire à partir d'une thématique que l'élève avait envie de creuser. Seul ou en binôme, ils ont ainsi écrit des poèmes à la manière de Théophile de Viau. Les images de l'Enfer, le sentiment de délaissement et de trahison, l'adresse à un proche ou les marques de révolte sont autant de traces de lecture que les élèves ont réinvesties dans l'écriture.

Grâce à une réflexion sur les prisons au XXIe siècle, ils ont actualisé le propos de Théophile et vous livrent leur point de vue sur l'enfermement, les actes qui y conduisent, les sentiments ressentis face à l'injustice, avec leurs mots, leurs vers, leurs images et leurs références d'adolescents du XXIe siècle.
Caroline Allingri-Machefer et Claire Augé
Préface
De nombreux poètes de par le monde et de par les siècles, lorsqu’ ils étaient incarcérés, ont écrit. La lecture de nombreux textes, de Théophile de Viau à Li Bifeng toujours en prison à ce jour, nous a menés à nous questionner : le poète incarcéré n’écrit-il que pour exprimer sa douleur ?
Pour répondre à cette question, nous observerons tout d’abord que les poètes écrivent souvent pour exprimer une douleur certaine associée à l’emprisonnement. Dans un second temps, il s’agira cependant de nuancer notre propos : les poètes n’écrivent pas toujours leur souffrance mais au contraire utilisent l’écriture poétique à d’autres fins.

Cela nous amènera à nous demander quel est le rôle de la poésie pour un poète incarcéré. Emprisonné, le poète est privé de liberté ; il est coupé du monde. En découle une profonde souffrance qui transparaît souvent dans ses textes. C’est ce que nous étudierons dans un premier temps : cette douleur peut être intime ou collective voire se transformer en l'angoisse d’un avenir funèbre.

Dans de nombreux poèmes écrits en prison, le poète exprime sa douleur personnelle, liée à la séparation avec ses proches. Ses poèmes témoignent d’un profond mal-être. Ainsi Théophile de Viau dans ses Ecrits de prison exprime une profonde tristesse. On le voit par exemple dans l’exemple suivant : « Dedans ce commun lieu de pleurs/ Où je me vis si misérable » (« Requête de Théophile au Roi »). Dans ces vers, la prison est associée aux « pleurs » et l’intensif renforce l’adjectif « misérable » exprimant la détresse du poète.
Cette douleur est associée à un manque puisque la prison est un lieu de privation. Li Bifeng écrit à son fils, témoignant de sa volonté de le revoir : « Pour déposer un baiser de sang sur ta mémoire » (« Mon fils »). Le baiser est impossible depuis sa prison, la poésie exprime ce manque cruel pour le père. De même, le poète Breyten Breytenbach écrit à sa femme « Très aimée » dont il est séparé pendant son incarcération. Si la famille manque au poète, la liberté disparue est également une cause de douleur. Nazim Hikmet dans son poème « Dimanche » publié dans le recueil Il neige dans la nuit regarde le ciel et le soleil dont il est privé et qu’il ne peut contempler depuis le trou où il est enfermé. Ciel et soleil deviennent les symboles d’une liberté perdue. Enfin, le poète souffre du mal du pays. Ainsi, Charles d’Orléans, prisonnier de guerre en Angleterre, pleure la France car il se souvient « de la douce Plaisance » dans son poème, « En regardant vers le pays de France ». Exilé pendant vingt-cinq ans malgré lui, sa douleur est étroitement liée à son amour pour la France dont la prison le prive.

Si la douleur est intime par le manque des proches, de la liberté et par le mal du pays, la douleur exprimée par le poète peut également être collective. De nombreux poètes ont été emprisonnés pour des raisons politiques. Engagé, le poète exprime son amour pour son peuple et sa douleur de le voir privé de sa liberté. Ainsi Mahmoud Darwisch, poète palestinien, exprime dans son célèbre poème « Carte d’identité » son attachement au peuple palestinien. Lorsqu’il écrit « je suis arabe », le « je » devient collectif : « Inscris/ je suis arabe / Tu m’as spolié des vignes de mes ancêtres / et de la terre que je cultivais/ avec tous mes enfants/ et tu ne nous as laissé / ainsi qu’à notre descendance / que ces cailloux / Votre gouvernement les prendra-t-il aussi / comme on le dit ? ». Ces vers font entendre un cri de colère du peuple palestinien, accusant le « tu » de le priver de liberté.
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