Idiots

Ils écrivent tous, déjà très vite, suite à la proposition&nbsp;: trouver son idiot intérieur. Je les regarde. Ai-je bien compris la proposition&nbsp;? Non je ne le pense pas. Je doute. Dans mon esprit tout est brouillé, lointain. Je suis complètement déconnectée de l’instant, du lieu, des autres. Les exemples cités par les participants n’ont pas d’écho en moi. Je doute. -&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Demander une explication&nbsp;: non -&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;S’arrêter d’écrire&nbsp;: non -&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Faire semblant&nbsp;: oui -&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Ecrire&nbsp;: oui Comme les autres, pourquoi pas&nbsp;? Je ne cerne pas la proposition.&nbsp; J’ai hâte d’entendre les écrits des autres participants. Mon cerveau embrouillé erre, divague. Ma tête explose. C’est une souffrance. Lire et partir&nbsp;…

Rien. Je ne veux pas me&nbsp;résigner&nbsp;à cette&nbsp;sale&nbsp;obligation. La&nbsp;rupture, parfois, c'est&nbsp;un petit bout&nbsp;de&nbsp;courage&nbsp;sous le&nbsp;couvercle. J'attends le&nbsp;choc&nbsp;comme un&nbsp;remède. Et si l'espoir&nbsp;est&nbsp;en retard, au&nbsp;pire, mais avec&nbsp;gratitude, je patienterai.

&nbsp;vers&nbsp; c’est tout&nbsp; différence aveugle&nbsp; élégance d’une ligne&nbsp; contenu du gobelet&nbsp; petit bout de rien&nbsp; dans une poche vide&nbsp; néant&nbsp;

rupture&nbsp; l’air se fend&nbsp; envol d’oiseaux&nbsp; son enlevé au volume&nbsp; non ressemblant non&nbsp; sans souffle&nbsp; attirant sous le couvercle&nbsp;

La rupture est le pire des remèdes C’est tout un espoir de prospérer Il est aveugle à son élégance De la gratitude pour sa résignation Brillez par votre différence Il a mis un couvercle sur sa pitié

Ils sont loin ceux du répondeur, ceux de la petite musique, toujours la même. Hier, aujourd'hui, demain plus jamais. Je suis l'arbre. On ne viendra plus me chercher, plus jamais.

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Textes de l'atelier d'écriture animé par Juliette Penblanc (médiathèque d'Herbès 02/23)

Neuf heures il a dit. Je regarde ma montre: neuf heures aussi. C'est bien le numéro onze. C'est ici. Je ne sais plus. Onze heures au numéro neuf. Qu'est-ce qu'il a dit hier? Hier c'était le 09/11. Je ne sais plus. Il y a des chiffres et puis plus rien. Ils me suivent partout. Ils me crient dessus. Ils veulent quoi? 9/20 peut mieux faire. Je ne sais plus. J'étouffe, il fait trop chaud ici, devant la porte numéro onze. Il est neuf heures. Frapper, sonner, tirer, pousser. Regarde à droite, à gauche, c'est peut-être écrit. On m'a dit d'être poli.

Du monde dans la boucherie. Des bouches gourmandes devant la tête coupée du veau ou le lapin sans yeux. ça fait mal à la tête les couteaux pointus. Du vomi dans la bouche. Manger des biscuits qui craquettent et du chocolat fondant. Rouge. Rouge. Rouge. c'est le ciel qui saigne.

21heures, le repas commence.&nbsp;&nbsp;Lumière tamisée, caviar, champagne, langoustine. Des couverts en argent, des verres en cristal, des assiettes empilées comme des poupées russes.&nbsp; Six personnes autour de la table. Grands-parents, parents et un couple tout neuf. Une jeune fille, la vingtaine. Un homme la quarantaine, c’est le fils de la famille. La différence d’âge est flagrante pour les grands-parents qui n’osent pas regarder la jeune fille.&nbsp;&nbsp;Celle-ci justement observe, écoute et ne comprend rien aux codes qui trônent dans cette ambiance. Ici, pas de coudes sur la table, pas de téléphone sur les genoux. Les bouches son pincées dans une retenue exaspérante. Pas un mot plus haut que l’autre, pas de sourire superflu. La jeune fille sue, ses mains moites tremblent, son esprit est embué. Cette impression de se dédoubler, de ne pas se reconnaître. Et surtout, cette sensation d’être toute petite, une poussière. Que fait-elle là, à sa bagarrer avec ses couverts. Elle n’arrive pas à répondre aux questions posées par le père. Elle hoche bêtement la tête, oui, non, non, oui. Comment respirer? Pourquoi s’est-elle entichée de cet homme&nbsp;?&nbsp; Les mots tourneboulent dans son cerveau anesthésié par les complexes.&nbsp;&nbsp;Elle n’est pas avec eux. Elle est d’ailleurs. Incapable de comprendre ce qui se dit, bête, idiote, voilà ce qui se diffuse en elle. Le dessert arrive, la fin approche. Un gâteau qui ressemble à une pièce montée. Elle détache un chou et tout s’écroule.

À peine 10 ans Qu’elle est belle&nbsp;! La flèche de Cupidon m’atteint en plein cœur. Qu’elle est belle&nbsp;! Elle ne peut passer inaperçue, sa silhouette attire tous les regards. Mais bon sang, elle est vraiment belle&nbsp;! Premier amour obsessionnel, le véritable coup de foudre. Je la suis, je la scrute, je l’admire, je la vénère, je la sens, je la respire Je deviens l’espion de sa vie. Elle habite les beaux quartiers, fréquente les belles écoles, joue du violoncelle. Oh mais quel est ce garçon si proche d’elle&nbsp;? Il ne la quitte plus, il a été choisi. Mal habillé, mal coiffé, famille bancale, école de la cité, immeubles entassés. Ai-je trop rêvé&nbsp;? Non. Manque de réalité, de lucidité, d’esprit d’analyse…. Comment imaginer qu’une princesse s’intéresserait à un pauvre fils d’ouvrier né un jour sans soleil.

Chef. Me lever ce matin pour quoi faire&nbsp;? Je suis mieux à rêver dans mon lit. Ma tête dans les étoiles. J'éteins tous les écrans. Chef, ton entreprise est un carcan, une camisole. Chef. Ni Dieu, ni maître, Chef. Je veux aller sans gouvernail. Errer sans bride. S'il le faut&nbsp;: gagner ma vie en perdant mon temps. Médecin, vous dites «&nbsp;burn-out&nbsp;», «&nbsp;dépression&nbsp;». Je réponds que je veux briller de mille feux. Je veux sentir sensiblement. Respirer et fermer les yeux. Me mettre en veille comme un robot débranché. Hier je n'étais pas. Demain je ne serai plus. C'est maintenant. Et advienne que pourra. Il me semble que je nais à la vie ce matin. A la Vie avec un grand «&nbsp;V&nbsp;». Celle qui marche quand on demande de courir. Celle qui rie même si tout est à pleurer. Celle qui vibre quand tout se met à trembler. Celle qui brille dans les brouillards épais. Celle qui tend la main à celui prêt à tomber. Chef. Je veux être licencié en paresse, en hypersensibilité. Chef. Docteur. Je veux être moi et c'est tout&nbsp;: Marginal, fou, idiot, ravi, sur mon île, dans mon monde, perché, … Tout ça et plus encore. Vivant oui, et en liberté.

en provenance de&nbsp; J’veux voir la couleur de ses yeux. On m’a pas dit. C’est ça que j’me demande. On m’a dit. Il est grand. Il était beau sur la photo. En noir et blanc c’te vieille photo. Moi j’ai mis mon jogging bleu, mon préféré. Y’a tant de bonhommes qui passent que j’crois qu’c’est lui à chaque fois, tu captes. Ils font exprès de lui ressembler. J’aurais pas du venir. train en provenance de Lille Il charrie. J’croyais que j’allais le voir tout de suite là. Il sortira l’premier du train, me suis dit, le délire. C’est en CP qu’on m’a dit. T’as un père qui veut te voir. La couleur de ses yeux j’sais pas. Et si il venait pas. Il aime jouer à cache-cache. Moi aussi. Mais y’a un moment que, tu captes. C’est lui c’est lui le costaud en jogging noir. Il va m’emmener au match de foot tu captes. Merde il embrasse la femme en cuir. J’vais appuyer sur tous les boutons pour boire un chocolat. Y’a des fois qu’ça marche, ça marche pas marche pas si ça marche. Lui il est chauve, ça peut pas. La gare, y’a tout le temps des bonhommes en costume. Je regarde ceux en sport ou en jean tu captes. en provenance de Lyon Il m’avait envoyé un colis avec un ballon. en provenance de Marseille Le ballon bleu l’est tombé dans l’égout. Ses yeux ils sont de quelle couleur. On m’a dit. Ton père c’est un sportif. C’est pour ça. Il va venir au match.&nbsp;

Tu craches sur la rupture et moi qui voulait prospérer. Ce petit bout de toi restituera ma perte. Envoie un peu de gratitude. Tu sais te disperser. Aveugle, sale, et sournois, va donc pire remède, le choc de verre aveugle rien n'aura plus pitié. Se résigner encore à son propre changement ou mettre le couvercle.

Aveugle le livre De la poche extrait Se dispersent les mots Crachés Sans pitié

Le couvercle est le pire remède du changement. Il procède par petits bouts Jusqu'à la restitution.

Rupture propre Le changement intervient Remède du pire La gratitude est féroce

Polie la pierre que je frotte sur la joue, c'est bon, c'est doux. Je suis assis sur la rive, l'eau s'en va, loin là-bas, je veux la suivre l'eau, loin là-bas moi aussi. Je pousse de toutes mes forces, la porte s'ouvre. Je reste figé. Il y a une lumière dans le bureau du fond. Le monsieur se lève et vient vers moi, il me sourit. Je ferme les yeux, ça ne serre plus au ventre.

Brillez, brillez petits bouts de verre Avec l'élégance de l'espoir vous êtes dispersés sur ce trottoir sale. Dans ce choc brillant il devient propre et argenté. Il y a même quelques couleurs qui forment une courbe pleine de gratitude.

J'aime les fleurs, les plantes, les arbres. Maintenant, on vit en ville ; on ne voit pas de vert, juste du gris, du brun, du marron : c'est pas des couleurs, ça ! Avant, on vivait à la campagne ; je me souviens des crocus au printemps, des iris sauvages, des pâquerettes aussi, au printemps. ; l'été, c'était sec, tout jaune, mais dans les collines, des buissons résistaient : le romarin toujours vert, et les pins... C'était comme le paradis, celui de la Bible ; mon frère m'a lu le paradis de la Bible, moi, je ne sais pas lire, mais mon frère, il sait, il lit. Il paraît que sur la place du marché, il y a des fleurs, à côté de la porte en pierre, celle qui donne dans la rue des boutiques, beaucoup de boutiques remplies de vêtements. Moi, je n'ai qu'un pantalon, 2 chemises, 2 pulls : ça suffit. Je me demande à quoi servent tous ces vêtements. J'y suis allé, sur la place du marché. Il y a beaucoup de bruit, beaucoup d'autos à côté, avec leur devant qui brille, comme des dents..on les dirait prêtes à mordre, ça fait peur.

Le remède proposé est pire, voire sournois La résignation s’impose La rupture fera la différence Pas d’obligation Le changement inordonné se dispersera&nbsp;

C'est vrai, sur la place, il y a des fleurs ; c'est joli ! Certaines palpitent, comme les ailes des papillons, on dirait qu'elles vont s'envoler .. mais pourquoi elles trempent dans des seaux plein d'eau, comme mon petit frère quand il prend son bain : il rit, il éclabousse : j'aime bien regarder mon petit frère dans son bain. Mais les fleurs, elles, ne rient pas. Elles n'ont plus de racines, elles sont coupées ; elles doivent souffrir, une coupure, ça fait souffrir. Moi, je me suis coupé en sciant du bois pour la cheminée : ça fait mal.&nbsp; Certaines fleurs sont flétries, comme si elles allaient mourir. Pourquoi les humains font ils mourir les fleurs ? C'est bête parce que, quand toutes les fleurs auront été coupées, il n'y aura plus de couleurs sur la terre. Ce sera triste. Les hommes sont idiots, mais je ne peux pas le dire, mon frère dit que ce n'est pas poli. Alors, je me tais, mais j'y pense.

Je sors. Il y a du soleil sur la terrasse. Le portable dans la main gauche, c'est quoi le numéro? ça me serre le ventre. Je remonte me coucher il est resté en bas. Peut-être demain... Je ferme les yeux: Je marche sur le chemin, celui de mon chêne. Je fais le tour du tronc, trois fois. Mes doigts dans les rainures, le front en contact, je respire ta vie, je suis toi.

Les ardoises se sont levées. Certains bras sont bien tendus , d'autres plus mous. Il y a des chiffres. Les craies sont blanches. Les ardoises sont noires. Des sourires de vainqueurs et des têtes baissées. Retourner dans la chambre, même dans le lit chaud, se pelotonner. C'est juste, c'est faux, la voix est forte mais aussi aiguë. ça fait mal au ventre, mal au coeur. Dans le rêve, tombée de l'escalier, depuis tout en haut, celui de la maison de grand-mère.

Cinq paires d’yeux sur elle la tétanisent, l’enfoncent plus bas que terre.&nbsp;&nbsp;Fuir mais comment&nbsp;? Pleurer surtout pas&nbsp;? A moins que cela ne lui serve d’échappatoire. Pas complètement idiote tout de même. La réaction s’impose à son insu. Elle enfourne un chou dans sa bouche, croque à pleines dents, mâche et remâche. Tant pis, pour le regard sévère de son prétendant, elle s’en fout&nbsp;! Idiote jusqu’au bout&nbsp;! La serviette essuie sa bouche crémeuse, elle lève sa coupe de champagne et boit cul sec. Un petit rot en guise de remerciement. Elle se lève, bouscule sa chaise et sort dans un grand éclat de rire. Autant être ridicule en riant. Dehors, la honte et l’humiliation la rattrapent, elle rentre chez elle rapidement. Ses parents sont endormis sur le canapé devant une émission de variétés. Elle les trouve ridicules mais où se trouve donc la bonne place&nbsp;?&nbsp;

Textes de Philippe Dubois, Catherine Halbornn, Marie Herriot, Christine Lebas, Olivia Pavoine, Marie Petit, Bernadette de Raphélis et Sébastien Tappero.

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