Baker Street

by Emma BROWN

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Je n’étais attablée que depuis quelques minutes, à peine le temps de relever la tête de mon livre que la place me semblait tout à coup bondée. J’étais passée à la bibliothèque municipale, proche d’ici, avant de me rendre au Vieux Tours pour notre rendez-vous que l’on se programmait un vendredi sur deux, à la sortie du travail, pour partager un verre. J’étais arrivée la première, comme toujours, et je partageai mon attente entre la lecture et la contemplation du monde autour de moi. J’aimais imaginer l’existence de ces personnes seulement en observant leur attitude et ce qu’elles dégageaient. Je n’avais certainement pas le sens de la déduction comme ce prodigieux Sherlock, mais cela m’amusait et mon attente me semblait bien moins longue. Entourée de hautes maisons à colombages, la place Plumereau était un énorme patchwork de terrasses de plusieurs bars restaurants qui se différenciaient par le modèle de leurs tables, chaises et parasols.
En ce mois de mai, les places étaient prises d’assaut. Cette belle agitation conférait une ambiance festive au lieu. Tandis que j’observais un groupe de trois lycéennes, Gabriel prit place face à moi.
« Bien le bonjour ! » me lança-t-il comme à son habitude.
Après un échange des banalités habituelles, il me demanda : « Tu as entendu parler de cette femme retrouvée dans la Loire ?
- On sait ce qui s’est passé?
- L’enquête débute à peine. Mais accroche-toi, on connaît la victime. C’est Mme Gentiannes, notre ancienne prof de Français. Je t’enverrai le lien de l’article.
- Oh non ! T’en es sûr Gabriel ? Je l’appréciais vraiment cette prof. 
- Je sais que tu l’aimais bien Agatha. Tu envisageais carrément de la retrouver pour savoir ce qu’elle était devenue. Moi aussi je l’appréciais.
- C’est la seule qui m’ait jamais vraiment comprise. J’aurais vraiment dû essayer de la revoir.
La remercier pour ce qu’elle avait fait… »
Avant de me quitter, Gabriel me restitua mon ordinateur portable. Ce dernier ne s’allumait plus. Avoir un frère étudiant en informatique était un atout indéniable.
« Je t’ai dégotté un nouveau bloc d’alimentation, le tien était mort.
- Merci Gabriel, je te revaudrai ça ! »

            De retour chez moi, je retrouvai mon cher et tendre Tom. Toujours attentionné, il nous avait préparé une jolie et délicieuse salade composée dont lui seul avait le secret, accompagnée de toasts au chèvre et au miel. Plus tard dans la soirée, je reçus le lien promis par mon petit frère. L’article ne m’en apprenait pas plus, mais confirmait bien qu’il s’agissait de Madame Gentiannes, ancienne professeur de français au collège Edmond Locard, réduisant à néant mes espoirs qu’il s’agissait peut-être d’un homonyme. La cause du décès était à ce jour inconnue, mais d’après les premiers éléments de l’enquête, la thèse du suicide ou de l’accident était écartée.
J’avais repensé récemment à Mme Gentiannes en faisant le bilan de ma vie à l’aube de mes trente ans. Je réalisais alors à quel point elle avait influencé le cours de ma vie. Elle faisait partie de ces enseignants qui l’étaient par réelle vocation. Constatant ma timidité maladive, elle avait réussi à m’insuffler le soupçon de confiance en moi qui me manquait mais qui avait fait toute la différence.
            J’allais suivre l’affaire de près pour savoir qui pouvait s’en être pris à cette respectable femme. En attendant de nouveaux articles, je décidai d’entamer ma propre enquête. Et surtout, j’adorais l’idée de jouer les détectives à l’instar de tous ceux que j’admirais tant à travers les livres et les séries, dont Sherlock, qui était sans conteste à mes yeux leur maître absolu !
            Comment procéder ? Commencer par le net évidemment, cette incroyable mine d’informations - encore fallait-il savoir faire preuve de discernement entre le vrai et le faux. Je commençai par taper simplement son nom et prénom et ajoutai
le nom de notre commune. Je tombai sur l’article d’un journal local dans lequel j’appris que mon ancienne prof avait remporté durant plusieurs années consécutives le prix du meilleur balcon fleuri de la ville de Tours. Ses victoires tenaient à la diversité des fleurs, des couleurs, et de leur agencement pour créer une belle harmonie. La présence de fleurs rares était l’atout principal qui la propulsait parmi les favoris. Aucun passant ne restait insensible à ce balcon féerique.

            Souhaitant me changer les idées, je décidai de feuilleter les livres empruntés plus tôt à la bibliothèque. J’avais pour habitude de réserver les livres en ligne. Une fois sur place, il me suffisait de me rendre au comptoir, rendre les livres empruntés précédemment et récupérer les nouveaux. Anne, une sympathique quadragénaire, tenait habituellement ce poste. Avec le temps et mes choix de lecture qui se rapprochaient des siens, nous nous sommes rapidement liées d’amitié.
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