Parle-moi du confinement

Aujourd’hui, j’ai décidé de rédiger les premières lignes de mon journal numérique. Nous sommes en confinement depuis une semaine déjà, à cause d’un nouveau virus qui a envahi la planète.&nbsp;&nbsp;&nbsp;Ce matin, j’ai communiqué avec mes petits-enfants, Pierre et Jeanne qui vivent loin de ma demeure. Avec Skype, version 2060, je peux les voir en quatre dimensions. Cela me procure tant de plaisir de parler avec eux. &nbsp;&nbsp;&nbsp;–&nbsp;Coucou, grand-père. Comment vas-tu ? a demandé Pierre. &nbsp;—&nbsp;&nbsp;Oh ! Très bien. Et vous ?&nbsp;

Je me suis arrêtée un peu pour reprendre mon souffle. Puis j’ai continué&nbsp;: —&nbsp;À cause de lui, les contacts entre les humains étaient interdits ! Il détestait cela. Les caresses, les embrassades et les baisers, ça ne devait plus exister. Il exigeait de la distance entre les humains. On devait éviter tout contact, car cela lui faisait horreur. —Il n’est vraiment pas drôle, Coronavirus ! —&nbsp;Il avait juste une petite qualité&nbsp;: il aimait la propreté. Mais c’était un maniaque ! Il fallait que tout soit propre. La saleté, il n’en voulait pas.Il exigeait que tout soit désinfecté, qu’on se lave les mains tout le temps avec du savon ou du gel antibactérien, qu’on nettoie avec de l’eau de Javel toute la maison, qu’on tousse dans son coude et qu’on porte des masques et des gants. Mais heureusement

après deux mois de confinement,&nbsp;il a disparu comme il est apparu. On a pu reprendre peu à peu une vie normale. On n’était plus obligés d’être enfermés, confinés entre quatre murs ! Mais je ne l’oublierai jamais. —&nbsp;Mais où est le monstre Coronavirus maintenant ? Je lui ai répondu en pointant mon index sur ma tête&nbsp;: —&nbsp;Il est là ! Enfermé, confiné à jamais dans mes souvenirs.

—&nbsp;Invisible ! se sont exclamés en chœur&nbsp;Liam et Tamara. &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;—&nbsp;Oui ! Le monstre Coronavirus était un ennemi invisible ! Mais figurez-vous que cette créature possédait un autre pouvoir. Elle pouvait être dans plusieurs lieux à la fois ! Elle était en Chine, en Corée, en France, en Italie…, partout. Et rien ne pouvait l’arrêter. Elle avait le pouvoir de se démultiplier ! C’était comme s’il y avait des milliers et des milliers de petits monstres Coronavirus qui tuaient des milliers et des milliers de personnes dans le monde. —&nbsp;Mais pourquoi faisait-elle cela ? a demandé ma petite-fille. —&nbsp;Ce monstre était cruel. Il avait une particularité&nbsp;: il n’aimait pas les vieux. Comme il savait qu’ils étaient plus fragiles, c’étaient des proies faciles pour lui. La vieillesse, il en avait horreur. Dès

qu’il voyait un vieillard marchant dans la rue avec une canne, il lui sautait dessus. Et vous n’imaginez pas le nombre de personnes âgées qui ont perdu la vie à cause de lui.&nbsp;Cette créature a changé nos vies ! —&nbsp;Pourquoi dis-tu cela ? —&nbsp;Le monstre Coronavirus n’aimait pas la foule. Il n’aimait pas le bruit. Il n’aimait pas les cris des enfants dans les parcs. Voir les gens sortir et remplir les rues, les restaurants et les magasins l’insupportait. À cause de lui, nous devions donc rester enfermés et confinés.&nbsp; —&nbsp;C’est tout le contraire de moi ! a murmuré Noham. —&nbsp;Ce qu’il aimait lui, c’était le silence. C’était la solitude. Il aimait quand les rues étaient désertes et quand les magasins étaient vides. Il aimait être seul. Il aimait les espaces vides.

C’était au mois de décembre en 2060. À l’époque, je vivais avec ma fille, Marie, âgée de 34&nbsp;ans, et mes deux petits-enfants, Lila et Damien. Un cyclone s’approchait de la Réunion. Le préfet avait déclenché l’alerte rouge vers dix-sept heures. Ma fille, infirmière, devait rester à l’hôpital. Dehors, la nuit commençait à tomber. J’avais renforcé les fenêtres et les portes. Assis sur le fauteuil du salon, mes petits enfants s’ennuyaient. —&nbsp;C’est trop dur ! fit Lila. —&nbsp;J’en peux plus de rester à la maison. Je m’ennuie. Et en plus, la télé ne fonctionne même pas ! ajouta Damien. —&nbsp;Vous trouvez que c’est long ? Quand j’avais&nbsp;votre&nbsp;âge, je suis restée confinée deux mois sans sortir.&nbsp;

J’ai repris&nbsp;: &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;—&nbsp;Non. À notre époque, ça n’existait pas. Au début, je me disais que j’allais pouvoir me reposer et m’amuser. Les premiers jours, tout se passait bien. Ce n’est qu’à partir de la semaine suivante que je commençais à m’ennuyer. Se lever, déjeuner, travailler, m’amuser, manger, dormir. Cette routine se répétait à l’infini. Heureusement que j’avais un grand jardin. C’était un avantage considérable, surtout face à l’ennui que procurait cette routine chaque jour. &nbsp;&nbsp;—&nbsp;Papy, à quoi jouais-tu ? —Je suis sûr que tu jouais au Tripomonoly ! &nbsp;&nbsp;—&nbsp;Je jouais au Monopoly, et non, le Tripomonoly, ça n’existait pas. À part cela, rien.C’était le vide complet et total, sauf le

soir, quand on regardait, ma sœur, ma mère et moi, des films.&nbsp;Le confinement devait normalement se terminer le 28, mais le président le prolongea de 15&nbsp;jours ! C’était l’horreur pour moi ! Heureusement, un événement est arrivé dans mon quotidien sans saveur. Mon professeur de français m’a invité sur la messagerie pédagogique du collège à participer à un concours d’écriture. Je devais me mettre dans la peau d’un grand-père qui racontait ce confinement&nbsp;en 2060. J’ai accepté tout de suite. Cela n’a pas été facile. J’ai dû écrire, écrire, réécrire et améliorer à de nombreuses reprises mon texte. Mais en même temps, j’oubliais ma routine&nbsp;: je crée un univers nouveau dans ma tête. C’était excitant ! Finalement, après une semaine de préparation, j’ai terminé mon histoire. J’ai choisi le titre « La Boucle ». J’ai envoyé mon récit et figurez-vous que j’ai obtenu la seconde place ! —&nbsp;Bravo ! Papy.

— Mais que faisais-tu pendant ce confinement ? questionna Lucas, intrigué. — Je passai mon temps sur les écrans : je regardais la télévision, je regardais mon téléphone, je regardais mon cahier de texte numérique. J’étais fatiguée de faire toujours la même chose. Je m’ennuyais. Je parlais avec mes amis sur les réseaux sociaux, mais ce n’était pas comme si je les voyais en chair et en os. J’avais envie de les retrouver pour qu’on puisse converser et rigoler ensemble. Écoutez-moi bien les enfants, je n’ai qu’une chose importante à vous dire : la vie sans contact humain, c’est comme un plat sans sel ! — Alors, cela veut dire que vous n’alliez pas au collège ?

— Quelle chance ! s’exclama Fanny. — Non ! Pendant le confinement, on faisait des cours à distance. J’essayais de faire les exercices, mais je ne comprenais rien. Et j’avais honte de demander aux enseignants de me réexpliquer, car d’autres camarades comprenaient. Cela m’énervait. Être en classe et avoir à ses côtés un professeur qui vient t’aider quand tu ne comprends pas, c’est quand même mieux que travailler en ligne.&nbsp; — Et que faisiez-vous durant vos soirées ? &nbsp;— On regardait surtout des films. Mais, vous savez quoi, je ne cessais de faire des cauchemars. Je rêvais que j’étais toute seule dans une maison. Je parlais seule. Je

Damien émit des doutes&nbsp;: &nbsp;&nbsp;—&nbsp;Quoi ? Deux mois ? Ce n’est pas possible !&nbsp; —&nbsp;C’était en mars 2020. Je m’en souviens comme si c’était hier. Toute la famille était devant la télévision. Le président de la République, Emmanuel MACRON, avait fait un discours.&nbsp; &nbsp;&nbsp;—&nbsp;Qu’est-ce qu’il a dit ? demanda Lila. &nbsp;—&nbsp;Il a annoncé le confinement. Ce que j’ai retenu surtout, c’était le mot « guerre ». Il l’a prononcé&nbsp;&nbsp;à plusieurs reprises. Il a dit&nbsp;:«Nous sommes en guerre ». Quand son discours a pris fin, j’ai eu l’impression que le temps s’était arrêté. C’était le silence total dans la maison. C’était irréel.&nbsp;&nbsp; Il y eut brusquement une coupure d’électricité. Je pris une bougie et je l’allumai.

Une douce lumière orangée éclaira le visage de mes chers petits-enfants. Je les observai un moment, puis continuai mon récit&nbsp;: —&nbsp;À partir de ce soir-là, tout a basculé. Nous devions rester enfermés. &nbsp;&nbsp;&nbsp;—&nbsp;Mais que faisais-tu&nbsp;de tes journées ? questionna Damien&nbsp; &nbsp;—&nbsp;Je regardais la télévision, je m’ennuyais, je conversais sur les réseaux, je faisais des cours à distance. Mais ce que j’aimais, c’était de rester assise des heures et des heures sous la véranda. On aurait dit que la vie humaine s’était figée. Il n’y avait personne dans les rues. Le bruit des voitures avait disparu. Je restais là et j’entrais en communion avec la nature&nbsp;: j’écoutais le chant des oiseaux, la musique du vent dans les arbres et le bruissement des feuillages.

de texte numérique. Nous n’avions pas encore la 50G ! Nous devions être patients. Après quelques mois de confinement, on a eu l’autorisation de sortir. J’étais heureux, car j’allais pouvoir retrouver ma famille et mes amis. J’allais pouvoir les embrasser et les enlacer. Au début, on était obligés de porter des masques. À un moment, on a eu des ruptures de gels antibactériens, de masques et de gants. Il n’y en avait pas assez pour tout le monde. On privilégiait donc les soignants ainsi que les personnes âgées. Ce n’est pas comme maintenant ! Tous les cent mètres, on peut voir des distributeurs de masques et des machines pour se laver automatiquement les mains sans rien toucher. À cette époque, il n’y avait pas dans chaque rue des caméras qui avertissaient les passants quand ils avaient de la fièvre ou quand ils ne respectaient pas la distance de sécurité.

Ce n’est qu’à partir du mois de septembre que le virus a disparu totalement et que l’on a pu vivre sans masque. C’est à cette époque que j’ai appris que du jour au lendemain, tout pouvait basculer.&nbsp; &nbsp;&nbsp;J’ai regardé en silence mes petits-enfants pour marquer la fin de mon discours : — Voilà, mes chers enfants, tout cela pour vous dire une chose : ne vous plaignez pas trop, car le confinement que j’ai connu a été très difficile. Ce matin, mon adorable petit-fils m’a envoyé un message. Voici ce qu’il a écrit:

&nbsp;&nbsp;—&nbsp;Mais pourquoi n’as-tu pas eu la première place ? &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;—&nbsp;Je ne sais pas trop. Je pense que le jury a dû trouver que mon texte n’avait pas assez d’actions, et que c’était trop répétitif. Revenons à notre histoire qui est répétitive aussi ! Le confinement a été prolongé encore un mois. C’était horrible, cette monotonie. Ce n’est qu’à partir de mai que l’on a pu sortir ! À la fin du mois de septembre, un vaccin a été inventé. Et l’on a pu vivre normalement. J’espère ne plus jamais revivre cette expérience. &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;—&nbsp;Quelle histoire ! &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Les enfants ont commencé à faire la sieste. Quelques heures plus tard, j’ai pris mon téléphone pour obtenir des nouvelles sur l’objet céleste. Joshua et Marie se sont réveillés pour écouter.

&nbsp;&nbsp;&nbsp;Un message passait en boucle&nbsp;: « Flash Info ! Cette météorite, qui est inconnue de la communauté scientifique, a causé moins de dégâts que l’on ne pensait. Mais elle semble émettre des radiations qui pourraient être dangereuses. Vous pouvez donc sortir de vos bunkers, mais restez en confinement dans votre maison pendant trois mois, le temps que les radiations disparaissent et ne présentent plus de danger pour la population réunionnaise ». &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;—&nbsp;OH ! NON !

croyais que je conversais avec quelqu’un de réel, mais cette personne n’existait pas. J’avais le sentiment de perdre la tête. Et à chaque fois, je me réveillais en sursaut. Heureusement, ma mère arrivait. Elle posait délicatement sa main sur mon front et je me rendormais aussitôt. —Et quand s’est terminé ce confinement ? questionna Fanny. Avant de reprendre, je fis une pause. Je sentais les odeurs du rougail saucisses préparé par ma fille. — Ce n’est qu’au début du mois de mai qu’on a pu enfin sortir. J’étais si heureuse ! Je détestais rester enfermée. J’éprouvais constamment un manque: celui d’être loin de ma grand-mère, celui de ne plus faire de repas en famille, celui de ne plus être avec mes amis, même si l’on s’entendait comme chien et chat. La vie d'avant reprenait ses droits.

&nbsp;&nbsp;—Le déjeuner est prêt ! On vous attend, déclara soudain ma fille. &nbsp;&nbsp;&nbsp;—&nbsp;Nous arrivons, répondis-je. Ce fut un vrai repas en famille ! On se racontait des anecdotes, on rigolait et on chantait. À un moment, Fanny me regarda en me touchant la main. Elle me dit avec un léger sourire : &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;— J’espère que ton plat ne manque pas de sel, aujourd’hui.

J’ai soixante-huit ans aujourd’hui. Mes enfants, petits-enfants, cousins et cousines&nbsp;sont tous réunis pour fêter cet événement. Moment touchant et émouvant&nbsp;: les réunions en famille étaient devenues de plus en plus rares. Après le repas, j’ai décidé de raconter une petite histoire. —&nbsp;Vien a zot isi marmaille, mi sa raconte a zot in histoir quand moin lété jeune ».&nbsp; Je les ai invités à s’asseoir autour de moi. —&nbsp;Tout a commencé au mois de mars 2020. Lors du journal télévisé, une annonce est faite par notre président Emmanuel Macron à propos du coronavirus. Je me souviens encore de ses paroles&nbsp;:&nbsp;« Mais l’ennemi est là, invisible, insaisissable, qui progresse. Et cela requiert notre mobilisation générale ».

C’était le 6&nbsp;janvier 2060. Mes petits-enfants, Joshua et Marie, m’ont rendu visite pour célébrer mon anniversaire. J’avais cinquante-cinq ans. J’étais heureux de les voir. Ils sont entrés dans le salon quand soudain une alarme puissante a retenti.&nbsp;Un message d’information passait en boucle à la télévision&nbsp;: « Flash Info !&nbsp;Mettez-vous vite à l’abri, une météorite se dirige sur l’île… ». &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Je me suis hâté d’emmener les enfants dans le bunker.La plupart des Réunionnais possédaient ce type d’habitation, car depuis quelques années, des météorites tombaient régulièrement sur la Terre. La pièce était grande. Une odeur de renfermé s’en dégageait. J’avais stocké des vivres. Comme Joshua était inquiet

et que Marie s’ennuyait, je les ai appelés.&nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;—&nbsp;Les enfants, venez ici ! Je vais vous raconter une histoire « tan lontan ». &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;—&nbsp;Oh ! Oui, papy ! Génial ! &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;—&nbsp;Oh ! Excellent ! J’espère que cette histoire parle de l’enfant que tu as été, a renchéri Marie, enjouée. &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;—&nbsp;Très bien, très bien. Alors, tout a commencé en 2020, le 17&nbsp;mars. Notre président, Emmanuel Macron, nous a annoncé que pour faire face à la pandémie du coronavirus, nous devions nous confiner.&nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;—&nbsp;Mais papy, pour le coronavirus, on a un vaccin ! s’est exclamé brusquement Joshua.

Enfermée et confinée, je m’imaginais être un de ces papangues qui planaient au-dessus d’un océan brillant de mille feux comme si les étoiles avaient quitté le ciel pour se loger&nbsp;&nbsp;au sein des vagues. La Nature revivait tandis que des milliers d’hommes mouraient ! C’était étrange. Souvent mon père répétait cette phrase&nbsp;:&nbsp;« L’homme n’est rien face à Dame Nature ».&nbsp;Il avait raison, nous n’étions rien ! —&nbsp;Et faisiez-vous des activités en famille ?&nbsp; Je ne répondis pas immédiatement. J’écoutais le vent qui soufflait de plus en plus fort. Par moments, des éclairs déchiraient le ciel. Les flammes des bougies dansaient et jetaient des lueurs sur les murs de la maison. Je repris mon discours&nbsp;: —&nbsp;Nous avions un rituel&nbsp;: tous les soirs, nous étions réunis devant la télévision pour regarder le journal de 19&nbsp;heures.

Les images diffusées ressemblaient souvent à des reportages de guerre. Nous avions la gorge serrée, le visage inquiet ; nos yeux étaient voilés par la tristesse, nos mains crispées par la peur. Et si demain, c’était nous ? Je n’avais jamais pensé à la mort avant ! Je me sentais si petite face à cette nature qui décidait de tout, comme si elle avait un droit de vie ou de mort sur nous. &nbsp;&nbsp;—&nbsp;Et comment ça s’est terminé ? Comme la pluie commençait à tambouriner, je montai le volume de ma voix&nbsp;: &nbsp;&nbsp;—&nbsp;Le confinement a duré plusieurs mois. En mai, on a pu sortir à nouveau. Mais on devait porter des masques les premières semaines. Et l’on a commencé à revivre progressivement comme avant. Je m’arrêtai brusquement et je leur dis&nbsp;: —&nbsp;Voilà, c’est terminé ! Il est temps d’aller vous coucher les enfants. Il se fait tard.

—&nbsp;Maman nous a acheté de nouveaux masques électroniques qui se désinfectent automatiquement toutes les heures.&nbsp;&nbsp;&nbsp;Et sur nos smartphones, nous avons installé une nouvelle application qui nous permet de savoir quand nous devons nous laver les mains. Il y a même une alarme qui retentit si la distance entre ma sœur et moi n’est pas respectée. Mais c’est vraiment difficile d’être confinés. On s’ennuie beaucoup.&nbsp; — Attendez, les enfants ! Je règle la caméra, car vous n’êtes plus en quatre dimensions.&nbsp; Il y a eu un long silence entrecoupé de bruits. — Ça y est ! Vous savez, les enfants, j’ai vécu une situation bien plus difficile quand j’étais jeune. C’était en 2020. J’avais quatorze ans. J’habitais chez mes parents dans une petite maison en bois sous tôle à Trois-Bassins. Je m'en souviens comme si c'était hier. Un soir,

le président de la République a annoncé que l’on devait être confinés à cause du coronavirus. Plus le droit de sortir pour le plaisir : il fallait des autorisations. La communication avec les amis et la famille n’était pas comme maintenant, car internet ne fonctionnait pas toujours très bien. La liaison coupait parfois et l’on ne voyait pas les gens en quatre dimensions. Cela paraissait moins naturel. — Oui, c’est nul, papy ! s’est exclamée Jeanne. &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;— On faisait les cours à distance. Ce n’était pas facile, car il n’y avait qu’un ordinateur pour quatre enfants à la maison. En plus, c’était compliqué, car il y avait souvent une surcharge de connexion sur le site du collège. On ne pouvait pas accéder systématiquement au cahier

Je soufflai sur les bougies et accompagnai mes petits-enfants dans leur chambre. Au-dehors, le vent cognait de toutes ses forces contre la vitre. Les fenêtres tremblaient. La pluie frappait la tôle avec violence, avec insistance. Je me sentais seule, effrayée et fragile face au déchaînement de cette nature en colère.&nbsp; Le lendemain, le calme était revenu. Je ne reconnus plus les alentours. Des arbres étaient déracinés et notre grand jardin était jonché de déchets. Il fallait tout recommencer. Avec effroi, je vis une maison inondée de boue. Ma voisine avait perdu la vie. J’étais terrifiée. Mon père avait décidément raison&nbsp;:&nbsp; &nbsp;—&nbsp;&nbsp;L’homme n’est rien face à Dame Nature.&nbsp;

LE SEL DE LA VIE

Pendant que ma fille et son compagnon cuisinaient, je décidai de raconter une histoire à mes petits-enfants, Lucas et Fanny. — À cette époque, je n’avais que quatorze ans, commençai-je. &nbsp;— Une histoire, c’est trop bien ! s’exclamèrent les enfants. Contente de voir l’impatience de mes petits-enfants, je continuai mon récit : &nbsp;&nbsp;&nbsp;— C’était en 2020, au mois de mars. Il s’est passé quelque chose de terrible. &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;— Notre président a annoncé que nous devions nous confiner à cause d’un virus. Tout s’est arrêté. Plus de sorties inutiles, plus de plages, plus de shopping. Les morts se multipliaient en métropole. On est restés plusieurs semaines enfermés. .

VARIATION AUTOUR D'UN THEME

En 2060, le temps a passé, tu es gramoun, tu racontes à tes petits-enfants une histoire du tan lontan du confinement. C'était en 2020...

Je tenais à féliciter nos jeunes auteurs qui, en dépit des difficultés liées au confinement, ont su mobiliser leur énergie pour s'engager dans l'aventure de la création littéraire.   

&nbsp;« Grand-père, j’ai repensé à ton histoire. Je trouve que tu avais de la chance finalement. Toi, tu as pu vivre, quelques mois après le confinement, sans ton masque! Alors que nous, même quand il n’y a pas d’épidémie, nous devons toujours en porter un. Et si une personne est vue en train d’ embrasser ou d’ enlacer quelqu’un dans la rue ou dans un lieu public, c’est la prison qui l’attend ! »&nbsp;&nbsp;&nbsp;

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