Les voies du loup

Deux anciens habitants du village de Saint-Martin-Vésubie, Jean Louis et Marie France, résidents en EPHAD, nous livrent ici leurs mémoires propres, mémoires des parcours de montagne, sans répéter les histoires déjà racontées. À travers leurs regards, nous avons pu déchiffrer un petit peu la Vésubie d’hier et d’aujourd’hui. Ils appartiennent à deux générations différentes, le père de Marie France était camarade de classe de Jean Louis, mais tous les deux ont aimé parcourir les sentiers qui traversent la vallée: anciennes voies de commerce, de processions, de soldats, de contrebandiers, et plus récemment de loups, qui sont les rebelles de notre temps. Nous sommes allées à la rencontre des souvenirs de Marie France et Jean Louis à travers une interview croisée qui nous a permis de découvrir histoire et paysages de la vallée de la Vésubie.

Jean Louis

"Je me souviens encore qu’en 1930 il y a eu un mètre de neige sur la place principale du village. Beaucoup de touristes venaient à St Martin à l’époque, surtout des anglais."

"J’aimais la neige et le ski, on dormait sur le foin dans les granges, ensuite on partait faire du ski de fond avec nos propres ski en bois, ils faisaient 1 mètre et 60 de longueur, leurs courroie étaient en buffle. Nos pantalons étaient "à la golf", les pulls en laine de mouton et les chaussures à clou. Les cordonniers nous faisaient nos chaussures, qu'on gardait le plus possible."

Les voies du loup

Monsieur Jean Louis Airaut

Madame Marie France Mellone

Née le 25 février 1923 à Saint Martin Vésubie, Monsieur Airaut a vécu à la montagne toute sa vie: dans la Corrèze pendant la guerre, à Sospel et beaucoup de temps à Tende, dans la Vallée de la Roya, où il était garde-chasse. Son activité - très aimée- consistait à la surveillance des chasseurs ainsi qu’au respect de la flore et de la faune et du règlement. Il est ensuite revenu à Saint Martin pour sa retraite. Pendant sa vie, Jean Louis a parcouru les sentiers qui séparent France et Italie, à l'époque où les frontières étaient beaucoup plus perméables et riches d'humanité.

Née le 9 avril 1949 à Clermont Ferrand, Marie France a habité a Nice oū elle a exercé le métier de banquière à la Caisse d’épargne. Sa famille paternelle était originaire de Saint Martin Vésubie où elle passait toute ses vacances. Elle habite de façon permanente à Saint Martin depuis septembre 2000. Passionnée de randonnée et de photos elle nous a raconté ses rencontres avec les animaux sauvages de la vallée.

Jean Louis

"J’ai grandi à Saint Martin Vésubie, dans « la Suisse niçoise », où tout est vert comme en Suisse. Mes souvenirs d’enfance sont encore très nets, je me rappelle clairement de ma grand-mère, avant la guerre. À l’époque, à Saint Martin il y avait 300 chèvres et 450 vaches, plus les 127 mulets qui transportaient le bois, le sel et d’autre marchandises dans tous les villages de la vallée et jusqu'à la mer!

Les transports de Saint Martin à Nice se faisaient grâce aux mulets : la marchandise était déchargée place St François, dans le vieux Nice, ou l’ont peut toujours trouver les accroches pour les animaux sur les façades à gauche de la place. Dans ce temps il y avait beaucoup d’élevage. L’été les vaches montaient à la montagne au col de Braus, du coup on buvait que du lait de chèvres. Le fromage de chèvre était entouré de feuille de châtaignier pour le conserver."

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Marie France

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"Depuis mon enfance j’ai toujours aimé marcher dans les hauteurs. Je possédais un appareil photo Canon avec un téléobjectif, même si le matériel était très lourd je ne perdais pas ma volonté de partir en montagne en randonnée vers des lieux difficiles d’accès comme le sanctuaire de la Madone."

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C’est bien là l’un des hauts lieux du Haut pays. Les paysage de la Madone offre ce contraste saisissant de la démesure du cadre naturel et de là petitesse du sanctuaire qui en est le cœur.

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Marie France

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"Les habitants de Saint Martin ont toujours travaillé dans le domaine de l’agriculture et le transport de la marchandise, ce village étant un grand entrepôt de commerce, un grand carrefour qui débouche sur plusieurs village. Quand le village devient français en 1860, d’autre métiers apparaissent, comme maçon, charpentier, plombier."

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Jean Louis

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"Quand j’étais petit il y avait une pharmacie qui est ensuite devenue hôpital: c’était les sœurs qui s’en occupaient, elles étaient neuf. Elles allaient à la messe, deux d’entres elles s’occupaient du catéchisme... L’une d’entre elles était la maîtresse du curé! On se soignait souvent avec les plantes, des femmes connaissant bien les vertus médicinales (les mêmes femmes qui faisaient accoucher les futurs mères). Elles écrasaient les plantes dans les mortiers, quand on se coupait elles nous soignaient en mettant le mélange sur la blessure. Pour le mal de ventre et de gorge ma mère mettait à l’endroit douloureux des cataplasmes d’absinthe."

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Jean Louis

"Il y avait 17 hôtels à St Martin Vésubie qui accueillaient énormément d’anglais. L'un d'entre eux a été construit à 2000 mètres d’altitude. Je me rappelle aussi quand l'hotel de Londres a été démoli pour faire place à un HLM."

Jean Louis

"Autrefois au village il y avait la gare des trains. Le premier train était à vapeur, ensuite il a été remplacé par un tramway qui descendait jusqu'à Nice. Mais, suite à les grandes pluies en novembre 1926, la gare a été emporté dans un éboulement."

Aujourd’hui à la place de la gare il y a une salle de spectacle : la salle Jean Gabin

Liste (non exhaustive) des activités commerciales de Sant Martin Vésubie lorsque Monsieur Airaut était enfant:

- 2 coiffeurs
- 2 boulangeries épiceries
- 2 cordonniers
- 1 pâtissier glacier

- 1 plomberie
- 1 ferblanterie
- 1 dentiste

Jean Louis

"J’ai fait partie de l’armée d’armistice: de 1940 à 1942 notre fonction était de maintenir l’ordre et d’entretenir les sentiers pour pouvoir circuler jusqu’au sommet. Mon grand-père transportait le riz, les châtaignes, le sel et d'autres merchandises jusqu’au vieux Nice, dans la place du marché. C'était extrêmement fatiguant. Il s'arrêtait une nuit pour nourrir et faire reposer les bêtes, puis il repartait vers d'autres villages. Je garde un très bon souvenir de cette époque."

Marie France

"J'ai énormément marché, seule dans le bois, à la recherche d'animaux à photographier. La meilleure rencontre que j’ai jamais faite a été celle avec les marmottes. J’adore ces animaux... Elles n’avaient pas trop peur de moi et de ma caméra. Le lien entre nous était établi par le temps et par l'objectif de l'appareil photo."

Jean Louis

"Pour moi elles sont très peureuses, la marmotte sentinelle avertit les autres en sifflant si un danger s’approche!"

Marie France

"Il fallait monter plutôt en haut pour les voir. Une fois j’ai rencontré un loup mais il était trop loin pour pouvoir le photographier. J’aimais marcher toute seule pour prendre mes photos. Derrière un coin ou à chaque courbe du sentier je m'attendait a voir un animal sauvage, car il n'y a rien de mieux que de voir un animal sauvage dans son environnement naturel."