L'enfant de la mangrove

L’émotion est telle que tous les regards se tournent vers cette mangrove dont personne ne se préoccupait jusqu’alors et qui devait être détruite pour le plaisir de quelques individus extrêmement riches. Elle va être connue par des milliers de personnes et défendue pour être préservée. Après cette manifestation, la mangrove est classée comme sanctuaire, pour qu’elle ne soit détruite par personne.

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Il faut donc saboter par nous-mêmes toute l’opération. Je me rends dans la mangrove, seul, rencontrer les Minuscules. Ils m’attendent avec les pélicans, les crabes, les termites, tous les oiseaux ! Et même tous les insectes, les moustiques qui forment des nuages dans le ciel, les crapauds.... Nous décidons de commencer le sabotage&nbsp;: « Vous, les pélicans, vous allez prendre de la boue dans votre bec et la lâcher sur les machines. Vous, les moustiques, vous allez piquer les travailleurs jour et nuit. Vous, les crapauds, vous allez faire des bruits insupportables. Vous, les termites, vous allez ronger le bois des pilotis. »

Les crabes arrêtent de filtrer le sable. Une odeur nauséabonde occupe le chantier. Les ouvriers se plaignent de cette odeur putride aussi épouvantable qu’une sortie d’égout. Tellement écœurante qu’ils en perdent l’appétit. L’odeur de décomposition rappelle une décharge et retourne le cœur comme l’odeur du lait tourné.&nbsp;Quel touriste aimerait dormir ici ?&nbsp;L’endroit paradisiaque devient infernal.&nbsp;

Les oiseaux prennent tous les fils électriques qu’ils trouvent pour leurs nids et chantent faux à crever les tympans avec leurs cris infernaux. Les insectes font du bruit toute la nuit. Leurs bruits stridents, incessants, percent les oreilles. Les nerfs sont à fleur de peau. Les tsi-tsi-tsi, les tic-tic-tic sont aussi insupportables que les vrombissements des moustiques. Tous ces sons oppressent les travailleurs. Ils vont exploser de rage. C’est comme si tous les bruits désagréables se réunissaient. Les irritants criquets stridulent sans cesse. Des grincements de dents et de mâchoires venus d’on ne sait où rendent fous.&nbsp; Quel touriste voudrait vivre un tel cauchemar ?

Les travailleurs n’arrivent plus à dormir, tous les bruits les plus agaçants s’accumulent, pires qu’un goutte-à-goutte d’un robinet mal fermé, qu’un chien qui hurle en pleine nuit et qui réveille tous ceux du quartier. Les crapauds coassent et font « blop » et « bleuahhhhh ». Les termites rongent le bois des pilotis déjà posés.

Classe de 5eme Lycée Gustave Eiffel de Maputo

Le soleil brille au son de la mer, les feuilles vertes deviennent éblouissantes.

Des racines géantes sortent de la terre comme plus fortes qu’avant.

La mangrove repousse, ses feuilles sont vert menthe et brillantes, l’eau de mer qui couvre les racines est limpide comme du verre, les oiseaux viennent construire leur nid dans les branches, les propagules se propagent sur la plage,&nbsp;les crabes oxygènent le sable doré, c’est magnifique de la revoir pousser si vite. La mangrove n’a plus aucune trace de construction ni de destruction. Les arbres deviennent si hauts qu’on ne voit même plus les oiseaux. Les avicennias ont pris une taille gigantesque alors qu’ils sont d’habitude si petits.&nbsp;La mangrove n’a jamais été aussi belle.&nbsp; Je reste bouche bée. La mangrove s’est refermée sur elle-même, elle est devenue gigantesque. Son feuillage passe du vert Véronèse au vert opaline. Toutes les nuances de vert se mélangent. La forêt est si dense qu’aucun être humain ne peut plus passer.

Le soleil se couche et la mangrove s’illumine sous cette lumière orangée. La forêt derrière moi est si dense, si sauvage, les branches s’entremêlent et forment une muraille protectrice. La mangrove se renouvelle sous mes yeux et devient plus forte, plus belle et plus féroce. Elle se protège des hommes qui l’ont torturée. Comment a-t-elle pu repousser si vite ? Je pars à la recherche des Minuscules, mais rien, ils ne sont plus là. Ce n’est pas possible ! Pourquoi sont-ils partis ? Je retrouve leur arbre, mais personne, toujours personne. Pour certains, ils sont sortis de mon imagination pour arriver à surmonter le traumatisme de la perte de ma famille. Ce sont ces petits êtres magiques qui m’ont choisi pour sauver la mangrove. Si je ne les vois plus, c’est peut-être parce que je suis un adulte maintenant.

Mais quand j’essaye d’avancer elle s’ouvre&nbsp;pour moi. C’est magique.

Tout d’un coup, j’entends la voix d’Élisa qui crie mon nom et me demande où je suis. Je lui indique le chemin pour qu’elle puisse me rejoindre, mais, malgré ses tentatives, la végétation reste extrêmement dense et elle ne parvient pas à entrer.&nbsp;J’avance vers elle et derrière moi la végétation se ferme, je laisse les Minuscules, mon ancienne vie. Ce chemin se ferme et il ne s’ouvrira plus pour moi. Je sens de la tristesse, je crois que je n’étais pas prêt, mais je dois partir. La mangrove est devenue un sanctuaire et elle s’est armée contre d’autres menaces, mais elle s’ouvrira toujours à celui qui cherchera un refuge.

Je décide de retourner encore une fois, seul, dans le plus fantastique lieu que j’ai vu dans ma vie.

La boue s’amollit et casse les machines qui s’enlisent. Les moustiques harcèlent, empêchent de dormir, piquent, démangent, donnent la malaria. Ils ne sont plus chassés par les Minuscules. Même les palétuviers se mettent à marcher la nuit grâce à leurs racines aériennes, encerclent et isolent les bateaux à fond plat où dorment les ouvriers.

Les oiseaux crient et tracent des cercles autour des arrivants. Tous ces&nbsp;tss-tss-tss, cric-cric-cric, tac-tac-tac incessants font rougir de rage Pedro Reis. Mais celui-ci continue son inspection, toujours aussi pressé. Il parle au chef des travaux, mais je n’entends pas bien ce qu’il lui dit. Il a l’air mécontent du retard considérable des travaux. Il propose une prime immédiate en cash aux ouvriers pour qu’ils reprennent de suite le travail, le chef des travaux semble toujours mal à l’aise. Mais soudain&nbsp;:

Le promoteur décide de se rendre sur place, il est furieux que les ouvriers se soient mis en grève, car le chantier n’avance pas. Des rumeurs grossissent, cet endroit serait maudit... Je suis caché derrière un arbre, attendant la venue de l’homme sur lequel repose l’avenir de la mangrove, l’avenir des Minuscules et de tout cet écosystème. Un bruit d’hélices interrompt mes pensées. Je lève les yeux au ciel et vois l’hélicoptère. C’est donc ainsi qu’il voyage. Les feuilles des avicennias volent, le sable se soulève et les oiseaux s’enfuient. Toute vie dans la mangrove est terrorisée par l’arrivée du promoteur. Il sort un pied de l’engin, mais celui-ci s’enfonce dans la vase et une odeur nauséabonde s’en échappe. Il reste impassible et sort le reste de son corps. C’est un homme plutôt petit, corpulent et chauve. Ce monsieur n’a rien de plaisant. Son regard est noir et furieux comme si c’était le pire jour de sa vie. Sa cravate est bien serrée et son costume bien repassé. C’est maintenant que tout commence !

- « AHHHHH !!!! » Une araignée aux longues pattes velues et aux yeux rouges globuleux vient de remonter le long de sa jambe, discrètement, sous son pantalon.&nbsp;Le promoteur s’agite pour la faire fuir, mais elle prend peur et le pique. Vite, le chef des travaux sort son briquet et fait jaillir la flamme près de l’insecte. L’animal pris au dépourvu s’enfuit vers sa toile. Le promoteur se tord de douleur, gonfle et part en courant vers son hélicoptère. Il fait une réaction allergique au venin de l’araignée.

Le jour d’après, une manifestation s’organise à Maputo et des reportages passent à la télévision. Le promoteur les regarde depuis son canapé où il récupère de sa piqûre d’araignée. - Je ne pensais pas que les gens auraient cette réaction, eux qui d’habitude ne font pas très attention à l’environnement, mais apparemment, si leurs idoles se battent pour une cause, ils les suivent bêtement, pas étonnant !

De là-haut, je vois les nombreux toits en chaume, ronds et gris, de mon village.

Je vois mon petit frère Leonildo jouer avec les chiots, des femmes travailler dans les <a href="bookcreator://page/fRnCw31FTzaw-QGuKOON7w/left">machambas</a> et s’occuper des tomates et du manioc, des grands-mères, assises à l’ombre qui détachent avec habileté des feuilles.

Je vois des jeunes garçons qui emmènent boire des bœufs et des chèvres.

Je vois le grand Akin avec son long bâton qui mène doucement son troupeau.

Je vois Akila, mon amie avec qui je vais chercher l’eau le matin et laver du linge sur les bords du lac.

Je vois Chacha, le plus âgé des anciens, qui observe son village, assis à l’ombre devant sa maison.

Je vois des hommes plus loin retourner la terre orange des parcelles.

« Amatou e twe, twe ». « Amatou e twe, twe ». « Amatou e twe, twe »…

Je m’assois sur une branche pour me reposer, j’étends mes jambes, je ferme les yeux dans l’odeur forte des mangues.

Je commence en fabriquant des pièges à moustiques pour les Minuscules, car c’est leur nourriture préférée, tous me regardent faire. Avec des filets de pêche abandonnés dans les racines par la marée, je fais des barrières qui protègent les bébés poissons des prédateurs, à marée basse les petits poissons peuvent passer dans les mailles des filets, mais pas les gros. Les Minuscules qui gardent la pouponnière à poissons me remercient. Le soir, alors qu’ils ont peur des dangers apportés par la nuit (comme les crabes fantômes) je&nbsp;leur raconte des histoires,&nbsp;je&nbsp;répète celles du vieux Chacha, des histoires drôles comme celle du « premier qui parle » ou celle des « Trois antilopes » ou « La guerre entre les quadrupèdes et les oiseaux ».&nbsp;Les Minuscules&nbsp;adorent aussi quand je chante « Amatou e twe, twe.&nbsp;Amatou e twe, twe ».

L’eau douce manque ici. Les Minuscules me montrent comment en faire à partir d’eau de mer. Il nous faut deux récipients, l’un plus grand que l’autre et quelque chose de transparent pour recouvrir le grand récipient. Je trouve un bidon vide dans la cabane. Je le coupe en deux, place la partie du haut avec le goulot tête en bas. Je dépose la moitié d’une noix de coco dans le récipient le plus grand rempli d’eau de mer qui s’évapore, sans le sel, grâce à la chaleur du soleil.&nbsp;L’eau se condense sur le couvercle du dispositif, les gouttes d’eau condensées vont s’agglutiner et ruisseler jusqu’au centre puis tomber dans la noix de coco.

Les premiers jours, j’ai droit à une visite guidée de la forêt par Delta, le sage. - Mon garçon, il faut savoir que cette forêt s’appelle une mangrove et ces arbres des avicennias et qu’elle est extrêmement importante. Elle a plein de rôles. Le premier est de protéger. Elle protège la côte des tempêtes, de la houle et de l’érosion. Son deuxième rôle est de réguler le C02, elle en garde dans la vase et en aspire par les feuilles des palétuviers en faisant la photosynthèse. Son troisième rôle est d’abriter les jeunes poissons, les crevettes et autres petits animaux de leurs prédateurs, c’est comme une pouponnière. Tu vois, ces petits poissons, ces crabes violonistes, ils grandissent dans le réseau des racines, à l’abri des gros poissons. Ils se cachent dans les racines des palétuviers. Ces racines qui sortent de terre s’appellent des pneumatophores qui sont comme des tubas, ils captent l’oxygène pour nourrir la plante. Durant la journée, la mangrove fait la photosynthèse et le soir elle respire, elle capte le dioxygène et rejette le dioxyde de carbone. Ces feuilles purifient l’air. Regarde le dessous de cette feuille d’avicennia, goûte avec le bout de ta langue&nbsp;: c’est salé. Les sels de l’eau de mer se cristallisent à la surface de la feuille. Elle peut également abriter les bateaux pendant les tempêtes. Tu l’as sans doute compris, la mangrove est indispensable au cycle de la vie. C’est pourquoi il est important de la protéger et ça, tout le monde n’en a pas conscience.

Comme moi, ils doivent aimer jouer avec leurs amis, mais on leur interdit. Comme moi, ils doivent aimer cueillir des fruits, mais les hommes forts et musclés les écrasent tout de suite. Comme moi, ils doivent aimer prendre leur repas le soir avec leurs parents, mais ils sont seuls, toujours, à l’heure de la nuit noire. Comme moi, ils doivent aimer nager, mais leur embrigadement leur fait prendre l’eau pour du feu. Comme moi, ils ne doivent pas aimer les armes. Comme moi, ils ne doivent pas aimer les armes. Comme moi, ils ne doivent pas aimer les armes…

Je suis soudain dérangé... par un cri. Un autre,&nbsp;plus fort. J’ouvre les yeux. Du feu ! Pourquoi y a-t-il du feu ? Mon sac en tissu plein de mangues à l’épaule, je retourne au village, inquiet.

Machoudzi, le fils de Chacha, vient à moi en courant&nbsp;: « Enfuis-toi ! Le village est attaqué ! Cours vite. Loin. » La peur me paralyse. Je veux voir mes parents !

Soudain, quelque chose transperce mon sac. Une balle. Je lâche le sac, les mangues roulent dans le sable. Le sol tremble. Je me cache derrière des&nbsp;maïs qui poussent au bord du chemin. J’entends des cris de détresse, des explosions. Le sol tremble plus fort sous mes pieds. Je vois des gros souliers de soldats passer sur le chemin et piétiner mes mangues. Le jus coule et se mélange au sable. Elles perdent leur couleur. Leur&nbsp;forme ronde est écrasée par les pieds des soldats.

Parmi eux, il y a de nombreux enfants.

Je passe ma journée à contacter des gens connus, influents, qui pourraient nous aider, le maire, le ministre de l’Environnement et même le président de la République.&nbsp;Je pense au père d’Élisa et à tous ses amis scientifiques partout dans le monde, je lui envoie un message. J’espère que tous les efforts et le travail serviront pour sauver les Minuscules comme ils m’ont sauvé quand j’étais enfant. Je vais chercher mes affiches avec Élisa et nous les collons partout dans la ville, de nuit. Élisa contacte la presse et mobilise tout son réseau.&nbsp;Nous postons une vidéo sur YouTube, Tik Tok, Snapchat, Twitter, Instagram et Facebook. Elle est courte, elle montre des images de la mangrove en train d’être détruite et explique pourquoi elle est indispensable pour notre planète. Mr&nbsp;Bow et Neyma se proposent de chanter ensemble pour que la vidéo se propage plus vite. J’explique sur la vidéo mon histoire, comment je me suis réfugié dans la mangrove quand j’ai tout perdu. Greta Thunberg voit cette vidéo, elle est particulièrement touchée, alors elle envoie à son tour un message sur Twitter à tous ses&nbsp;followers. Ma vidéo fait le tour de la planète, tout le monde en entend parler.

Mais rien n’arrête la construction du lodge de Pedro Reis.

C’est trop tard, je me trouve dans une forêt sombre, humide et boueuse. Je panique. Je vois des arbres avec des griffes qui veulent m’arracher mes vêtements, leurs troncs ont des visages effrayants. Il me semble les voir marcher vers moi.

Les bras des arbres me giflent, ils me disent « sors de là étranger ! ».

Le murmure des feuilles, comme un serpent qui glisse sa langue…

Le vent poursuit mes pas comme des soldats, les crépitements semblent ceux des armes, la boue collante m’attire. La peur déborde de mon corps.

Les pensées se bousculent dans ma tête, je revois les gens de mon village courir dans tous les sens, le visage de mes parents m’expliquer ce qui se passe dans mon pays et me dire de fuir au plus loin et de ne pas m’inquiéter pour eux si jamais le village se faisait attaquer. Les larmes me montent aux yeux, je voudrais du plus profond de moi dire à mes parents que je les aime. Je pleure, je déverse les quelques gouttes d’eau qu’il me reste. Je suis tiraillé par la faim, torturé par la soif, je suis complètement endolori, les muscles me tiraillent les jambes. Je suis perdu.

Au loin, les murmures des feuilles me chantent une chanson et le hululement des chouettes me bercent, mais tout au fond de moi une tristesse énorme m’envahit, la mémoire de mes parents et de mon village reste dans ma tête. J’entends des vaguelettes, je perçois le feulement de la végétation. Je m’accroupis contre un tronc d’arbre. Je regarde vers le ciel troublé. La lune se reflète sur l’eau. Je veux rentrer chez moi, je veux que ma mère me porte dans ses bras et me donne des baisers. Je veux que mon père m’apprenne le nom des étoiles brillantes. Je suis maintenant tout seul, sans personne, sans mes parents, sans nourriture, sans eau.

Mme Marie Caudry, illustratrice, nous a aidés à illustrer le livre et nous a montré des techniques que nous n’avions jamais apprises comme celle des papiers colorés découpés et collés. Nous vous remercions d’être venue ici au Mozambique et d’avoir été si créative et patiente avec nous. (<a href="http://mariecaudry.free.fr/">http://mariecaudry.free.fr/</a>) M. Gauthier David, auteur, qui nous a aidés dans l’écriture. Nous vous remercions pour avoir pris en compte les textes de tous, pour votre rire que nous adorons et toutes vos bonnes idées. Merci d’être venu au Mozambique pour nous guider. (<a href="http://gogocosmos.free.fr/">http://gogocosmos.free.fr/</a>) Miss Fiona Wishman, professeur d'arts plastiques, qui tout au long de l’année nous a immergés dans l’univers de la mangrove par la technique de la perspective et guidés pour dessiner les personnages. Vous avez toujours été curieuse de ce que chacun produisait. &nbsp; Mme Cécile Priester, professeur de SVT, nous a expliqué les rôles essentiels de la mangrove comme la photosynthèse du palétuvier, comment les arbres peuvent pousser dans l’eau salée et qui nous a montré comment faire de l’eau douce à partir de l’eau de mer. Et elle dessine très bien les schémas !

Je me réveille avec une faim et une soif de démon, à vouloir m’arracher les doigts pour les manger. Quel choc quand je vois la cabane ! Simple, mais exceptionnelle. Elle n’est pas très grande, mais c’est suffisant pour un petit garçon. Elle est ronde, sur pilotis, comme si elle était sur des échasses, avec un toit de&nbsp;<a href="bookcreator://page/fRnCw31FTzaw-QGuKOON7w/left">caniço</a>,&nbsp;en feuilles sèches de palmiers. Le toit a subi les orages et les tempêtes. Il y a deux fenêtres d’où l’on peut regarder le ciel. L’une d’elles est cassée et une branche en sort. Les murs sont faits d’un quadrillage de bois entre lequel il y a du corail, ils sont en mauvais état, laissant des faisceaux de lumière transpercer l’obscurité. À certains endroits, le bois est fatigué. C’est une vieille cabane&nbsp;blanchie par le sel à laquelle on accède par&nbsp;trois marches. Elle est sur pilotis pour que cette eau qui pique et qui colle ne l’immerge pas. Un arbre la traverse.

Je découvre alors un monde incroyable. Les&nbsp;Minuscules sont habillés de chemises de feuilles tissées avec du fil d’araignée et décorées&nbsp;de cristaux de sel. Ils portent des armures confectionnées avec des carapaces de crabes. Ils vivent dans des noix de coco&nbsp;suspendues&nbsp;dans&nbsp;les branches d’un bel avicennia&nbsp;(je connais le nom de cet arbre grâce aux livres de la cabane)&nbsp;et utilisent des passerelles pour rentrer chez eux et aller chez leurs amis. Je&nbsp;jette un coup d’œil à l’intérieur de leurs petites maisons&nbsp;: elles sont meublées de lits en coquillages,&nbsp;les matelas sont des feuilles sèches de palétuviers. L’un d’eux m’apprend qu’ils les collent les unes aux autres&nbsp;avec&nbsp;de la sève.

Ils me font visiter leurs réserves à moustiques. Pour les capturer, ils placent du miel de mangrove sur des pierres et sur des troncs. Quelques heures plus tard, ils reviennent et les retrouvent tous collés puis les apportent chez eux pour les cuisiner.&nbsp;Je suis surpris par toutes leurs inventions, toutes les choses qu’ils ont&nbsp;fabriquées. Ils m’expliquent ce qu’est un pneumatophore, à quoi servent les racines des palétuviers, mais je me sens mal. Ils m’acceptent dans leur milieu, mais je n’ai pas l’impression de faire pour eux autant qu’ils font pour moi !

Les jours passent. Je m’habitue à la mangrove et à ses habitants, je m’habitue à l’idée de rester ici, protégé. Les&nbsp;soirs,&nbsp;je pense à mes parents, j’ai toujours l’espérance qu’ils soient vivants.&nbsp;Je me sens seul malgré tout. Je ne suis plus comme avant, je suis différent. J’ai grandi et j’ai sans doute mûri très vite. Couché dans le noir, j’attends le baiser de ma maman, de mon papa. Les larmes me montent aux yeux et débordent sur mes joues. Je pleure en silence pour ne pas inquiéter les Minuscules. Je veux montrer que je suis grand maintenant. Alors, pour calmer ma tristesse, j’écris des lettres qui leur sont destinées dans un cahier où je leur dis combien ils me manquent. Quand le matin arrive, je revois mes nouveaux amis et cela me console de tout. Je passe surtout du temps avec&nbsp;Joaquín,&nbsp;sportif, très gourmand et&nbsp;qui&nbsp;ne partage&nbsp;rien. Il est contre le système politique de la communauté et aimerait avoir droit à la propriété. Rei Mistério, lui, est&nbsp;extrêmement musclé, aime chasser, et faire peur aux autres.&nbsp;Il est doué pour les langues animales. Il chasse les moustiques avec un bâton.

Et&nbsp;Delta, une&nbsp;exploratrice, on ne sait jamais où elle est, elle ose aller plus loin que l’arbre.&nbsp;Elle est orpheline,&nbsp;car&nbsp;ses parents ont été tués par des hommes quand l’arbre où ils vivaient a été coupé pour construire un bateau de pêche.&nbsp;Le bois de la mangrove a le pouvoir de ne jamais pourrir.

Un&nbsp;« écolodge »&nbsp;de luxe est en construction dans la mangrove, là où vivent les Minuscules.&nbsp;Là où est l’arbre qui leur sert d’habitation. Pour la construction, des pelleteuses et plein d’engins de chantier ont été apportés. Les Minuscules les décrivent comme des monstres de métal. On entend déjà le bruit des tronçonneuses pour dégager la future piste d’atterrissage de l’hélicoptère. Une centaine d’ouvriers s’activent malgré la chaleur, l’humidité et l’assaut des insectes. Je décide de partir de suite en voiture, avec eux, voir la situation. Je suis tellement terrifié que j’ai mal au ventre, j’espère juste que nous arriverons à temps parce que je ne veux pas voir mon enfance une nouvelle fois détruite. Je prie pour que rien de mal ne se produise quand les Minuscules et moi arriverons. Je les regarde, ils sont si profondément tristes. Je décide de leur remonter le moral en allumant la radio pour écouter du jazz. Je ne veux pas qu’ils perdent espoir, le voyage me semble très long. Des larmes coulent en pensant à mon enfance là-bas, j’ai passé tellement de temps dans cette mangrove que j’ai appris à connaître, qui m’a vu grandir... et maintenant ?!&nbsp;On la massacre ?! Je ne peux pas laisser cela arriver, c’est à mon tour d’aider les Minuscules.

L’air humide frappe mon visage quand j’ouvre la portière et me fait encore plus pleurer. Les odeurs révoltantes de pollution et d’ordure, les bruits des machines, sont vraiment choquants. Comment se fait-il que nous, les humains, puissions détruire notre monde, gardien des créatures animales et des plantes… !? Je vais faire mon possible pour arrêter la construction du lodge.&nbsp;Nous y sommes presque et nous pouvons déjà voir l’horrible spectacle, des machines rouillées sont dispersées sur la plage, les hommes à l’intérieur regardent de leurs yeux vides les arbres qu’ils sont en train d’abattre.

Je dois m’enfuir. Je ne peux pas laisser ces soldats me prendre comme ils ont pris mes frères. Je dois courir pour ma vie parce que mon père m’a dit&nbsp;: « s’il y a une attaque dans notre village, cours, cours, cours ! » Partir, mais je ne sais pas où… Je dois suivre le fleuve, comme le disait mon père.

Je vais vers l’inconnu, le plus loin possible. Je laisse derrière moi mes fraîches et juteuses mangues. Je longe le fleuve. Je laisse derrière moi mes amis et l’amour de ma vie. Je vais vers mon destin. Je laisse mon enfance derrière moi. Je vais vers ma tristesse. Je prends le chemin noir. Je vais vers les plantes mystérieuses. Je vais vers un autre monde, un nouveau monde. J’entre dans les profondeurs de la forêt. Je laisse la vue des machambas dans le coucher du soleil. Je laisse ma joie et toutes les mémoires.

Je cours sans m’arrêter et sans perdre le fleuve de vue pendant une longue journée, jusqu’au soir. Je ne suis jamais allé aussi loin de mon village. Je cours, je cours, je cours, mais je n’arrive pas à sortir de ce cauchemar. Je pleure, je hurle, mais toutes ces horreurs restent là. Je suis tellement épuisé que je ne sens plus mes jambes ni mes bras.

J’essuie les larmes qui tombent sur mon croquis d’affiche, je me donne une gifle qui chasse toutes ces pensées minables. Bien qu’il me faut beaucoup d’efforts pour me concentrer sur mon dessin, je finis par trouver de bonnes idées, inspiré par mes souvenirs d’enfance, par toute la beauté de cette nature dans laquelle j’ai vécu, ma belle cabane dans la mangrove et bien d’autres images que je garde avec affection. Au petit matin, je l’ai terminée. Je l’emmène à l’imprimerie pour en faire des affiches.

Le son des vaguelettes, les branches qui bruissent, l’odeur salée de l’eau, les bruits des insectes, le sable lisse sous mes pieds sont les mêmes que dans mon enfance.

Des crabes passent en marchant en file indienne.

Je lève les yeux et je vois le coucher du soleil, je ne peux pas expliquer à quel point il est joli. Le rouge est si bien mélangé avec l’orange et le jaune que cela me rappelle les mangues sucrées que je cueillais pour ma famille.&nbsp;

Il est temps de partir, il va bientôt faire nuit. Je sors lentement de la mangrove, devant moi la végétation s’ouvre, elle crée un passage, un chemin. Est-ce un passage secret ? Non, je ne suis pas dans un récit de pirates. Ai-je découvert un phénomène surnaturel ? Non, arrête de réfléchir et profite. Je me laisse porter par la magie de cet endroit, de son calme, des bruits qui m’entourent&nbsp;: le craquement d’une brindille sous le poids d’une grenouille, le ploc des poissons qui sautent dans l’eau, le chant des oiseaux, les insectes… le calme, la sérénité, je suis en pleine harmonie avec la nature, je me sens bien.

La plage est maintenant baignée d’une douce lumière et les souvenirs reviennent...

 Je me rappelle de la première fois où je suis arrivé dans la mangrove, j’avais peur de tout, mais les Minuscules m’ont aidé à m’adapter à cet environnement et je ne peux imaginer ma vie sans mes petits amis. Maintenant c’est comme ma maison, les Minuscules sont comme des parents et je ne peux pas les laisser. Je me rappelle les nuits passées ici.

Mes pieds s’enfoncent dans la vase et contrairement à la première fois où je suis venu ce sentiment m’apaise, le bruit des feuilles qui se balancent au rythme du vent me berce, je me sens comme un bébé dans les bras de sa maman, je me demande toujours ce que sont devenus mes parents, s’ils sont toujours vivants, mon frère, mon oncle, ma tante, mes cousins, mes cousines, la liste est très longue. Je me demande ce qu’il reste de mon village il signifiait ma famille tout comme c’était mon école, mon refuge ou ma maison&nbsp;: c’était tout… mon univers.

Il se passe alors quelque chose d’extraordinaire.

Je décide de leur cuisiner une recette que m’a montrée ma mère&nbsp;: la matapa mais ils n’ont pas les ingrédients. Je choisis d’en cuisiner une aux algues siri siri, le seul aliment ici qui me fait plaisir, car leur cuisine certes inventive me dégoûte.

J’ai besoin d’un endroit où poser le dispositif. Premièrement je cherche une clairière dans la mangrove. Je me rends vite compte qu’il n’y en a pas. Je pense la poser sur deux branches horizontales d’un palétuvier. Eurêka ! L’eau peut enfin être dessalinisée après trois heures d’attente. J’observe cette eau transparente. Je la prends avec attention, comme de l’or. Et je la bois. Elle est chaude, très chaude. Pas fraîche, mais potable. Cette eau est bizarre, sans goût, sa chaleur me fait mal à la gorge et me donne envie de vomir. L’eau dans mon village est bien meilleure. Mais que faire ? C’est mieux que rien. Je la mélangerai avec de l’eau de coco pour lui donner au moins un goût.

Je me réveille sur le canapé. J’ai du mal à ouvrir mes paupières, ma tête me fait mal, ma gorge me fait mal. Je suis terriblement fatigué. La fête de mes trente ans d’hier m’a épuisé. Quand j’arrive à ouvrir les yeux, je vois les cadeaux offerts par mes amis, le bazar dans le salon et la porte de la chambre d’Élisa encore fermée, elle doit dormir.&nbsp;Aucun bruit dans l’appartement. J’ai l’impression de ne pas tenir debout. Je prépare du café. Je regarde Maputo par la fenêtre. Léon,&nbsp;mon caméléon, est immobile sur le bureau, près des pots de crayons. Le soleil tombe sur lui et les dessins de ma prochaine&nbsp;BD&nbsp;:

Chaque jour, le chef crie le menu avant que tout le monde passe à table&nbsp;: « aujourd’hui on aura la pâte à moustiques et vers de vase au lait de coco ». Je veux vomir. Mon visage verdit. Je leur dis que je ne mange que des patates douces et du manioc. Je découvre un grand buffet. Ourgh ! Que des choses dégoûtantes&nbsp;: spaghettis d’algues, chamoussas aux insectes, compote d’écume. Mais tiraillé par la faim, je goûte. Et... recrache tout ! Le jour suivant&nbsp;: une salade de feuilles confites d’avicennia accompagnée d’un écrasé d’algues brunes et de croûtons de moustiques grillés. Une vinaigrette spéciale d’eau de coco légèrement fermentée. Je refuse de manger. Mais au fil des jours, je goûte et m’adapte à cette étrange nourriture.

À mon grand étonnement, un matin, ils me servent des pinces de crabe grillées. Il me propose un <a href="bookcreator://page/fRnCw31FTzaw-QGuKOON7w/left">prego</a> de vers de vase accompagnés d’une salade fraîche aux algues. Oh ! C’est surprenant... j’aime ! Je m’étonne aussi à adorer la tarte au miel de mangrove, je leur laisse les écrasés de feuilles saupoudrées d’yeux de mouches à la crème d’écume, ou les soupes de mues accompagnées de mouillettes de propagules ou leur liqueur à la transpiration de grenouilles.

M. Olivier Hamerlynck, écologue et ornithologue passionné, nous a emmenés sur le terrain, dans la mangrove, et nous a montré des oiseaux dont il est expert. Grâce à lui, nous avons découvert tellement de vocabulaire pour nommer et donc mieux voir ce qui nous entoure.&nbsp; Mme Stéphanie Duvail, Chargée de Recherche à l'IRD, qui nous a aussi emmenés dans la mangrove pour nous expliquer précisément les rôles de la mangrove, sa force et sa fragilité.&nbsp; M. Jean-Marc Pichard, notre professeur d’Histoire-Géographie qui nous a fait le cours sur la guerre civile au Mozambique et détaillé la vie quotidienne du monde rural comme les techniques de pêche traditionnelles. M. Felisberto Manuel, documentaliste au Primaire, qui nous a raconté la vie quotidienne dans un village mozambicain avec beaucoup de précision et de détails.&nbsp; Mme Nara Lu qui a numérisé chaque image pour notre histoire.&nbsp; M. Pierre Guénais, directeur du LGE, qui nous a soutenus du début à la fin du projet, de l’achat des livres à la rencontre avec deux auteurs illustrateurs venus de France. Mme Nikoleta Bouilloux-Lafont et toute l'équipe de l'association Lecture Jeunesse pour leur soutien tout au long de l'année.

M. Nicolas Rodot, professeur documentaliste, qui a été à l’origine du projet, qui a monté la bibliothèque Numook avec des romans, des récits, de la poésie, des documentaires, des albums, des bandes dessinées et des mangas ! C’est aussi lui qui s’est chargé de la partie numérique du projet. Ces livres nous ont inspirés et documentés. Nous vous remercions pour avoir toujours cru que nous allions arriver à terminer cette aventure.&nbsp; Mme Elisabeth Crouzet, professeur de français, qui nous a donné des idées pour le livre et qui nous a aidés à écrire. On vous remercie de tous vos efforts, de toutes vos relectures et de votre patience. Merci d’avoir cru en nous et de nous avoir accompagnés tout au long du projet !

Aujourd’hui, c’est un jour comme les autres,&nbsp;humide, mais le ciel est bleu turquoise. Ma mère m’a envoyé chercher des mangues, j’aime leur odeur, leur couleur, leur chair juteuse&nbsp;et sucrée. J’arrive au manguier, je retrouve ma planche cachée dans les buissons qui, appuyée contre le tronc, me permet d’atteindre les premières branches. L’écorce est dure et sèche sous mes pieds nus. Je choisis des mangues bien mûres, collantes, pour mes parents et mes frères. Une fois les superbes mangues cueillies, je vais à la cime de l’arbre, comme d’habitude.

Les Minuscules sont sur mes épaules, je me dirige vers la construction. Le sable sur lequel je marche me rappelle que je jouais là enfant. Une angoisse me saisit. Je ne pourrais pas être plus heureux de retrouver la plage, pas n’importe quelle plage, la plage de mon enfance, l’endroit où les Minuscules m’ont emmené, l’endroit où ma maman, mon papa et mon frère veillent sur moi de très loin… l’odeur de la mer me submerge, alors que je m’enfonce dans la forêt.

Écologique et respectueux de l’environnement dit le promoteur.

Je&nbsp;dirais&nbsp;plutôt tourisme destructeur !

Je suis sous le choc, ma belle cabane est détruite par d’énormes machines métalliques. Je vois des hommes avec des tronçonneuses, leurs lames tranchantes coupent si violemment les arbres. Ils n’ont même pas honte de couper la nature ! Mon corps est rempli de colère et de rage, je lis les pancartes prometteuses&nbsp;:

Je ne peux m’empêcher de crier&nbsp;: - Hé ! Oh ! C’est pas censé être un hôtel écologique ?! Pourquoi y a-t-il des machines polluantes partout ? Pourquoi des tracteurs détruisent les arbres de la mangrove ? Répondez-moi ! - Monsieur, on fait juste notre travail. - OK, est-ce que le promoteur est là ? Est-ce que je peux parler avec lui ? - Je vais l’appeler.

L’endroit idéal pour entrer en contact avec la nature et découvrir sa puissance et sa beauté. Un camp de style safari, sur une plage immaculée !

Le promoteur arrive, avec un sourire comme s’il venait de gagner un million de dollars, débordant de confiance. - Qu’est-ce que vous voulez ? - Je veux savoir pourquoi vous détruisez la mangrove ? - Je construis un lodge, ce n’est pas un peu évident ? - Quel est votre nom ? - Je m’appelle Pedro Reis.

La manifestation a commencé vers 7h du matin avec peu de participants, pendant la matinée des gens sont arrivés. Elle reprend de plus belle et ne se termine que le soir quand il fait nuit.&nbsp;La cause de la mangrove concerne de plus en plus de monde qui s’oppose à ce drame écologique. On réclame que la zone devienne une réserve pour préserver la végétation, la mer, les tortues... Les manifestants brandissent de nombreux slogans&nbsp;:

Les tortues n’ont pas le goût de l’égout !

Il regarde plus attentivement le reportage, il croit reconnaître quelqu’un dans la foule.

-&nbsp;Il y a mon fils !!! Mon fils est dans la foule ! Je savais bien que je ne pouvais pas lui faire confiance ! Il lui envoie un message pour en être sûr… il répond dans la seconde et se filme en train de manifester. Son père est furieux ! Il téléphone à sa femme qui lui apprend que sa fille y est également et que c’est elle qui les y a conduits. Même sa famille est contre lui !&nbsp;Tout cela à cause de ce garçon qui vient se mêler des affaires des autres et de son entourage qui a bien trop de contacts et d’influence à son goût, il a soi-disant grandi dans cette mangrove !

Quand la vague arrive, protège tes rives !

- À mon avis, il trouve que ses BD ne se vendent pas assez bien et il se fait de la pub !

Ne restez pas plantés, allez propager les propagules !

La pandémie de COVID-19 nous a imposé de travailler à distance. Nous avons pu terminer l'écriture de notre histoire, mais il nous a été impossible d'avancer sur l'aspect numérique du livre: l'habillage sonore, la lecture à voix haute, les liens hypertextes, les fiches documentaires, le lexique. La lecture à voix haute a été réalisée par M. Nicolas Rodot, professeur documentaliste. Nous nous réservons le droit de finaliser notre projet dès que les conditions sanitaires seront favorables.

Mince, il est puissant, c’est le chef d’une entreprise très connue au Mozambique. Que puis-je faire contre quelqu’un de si puissant ? Je vais tenir conseil avec les Minuscules. Je me sens vraiment inquiet pour mes amis. Mais je suis extrêmement fâché contre ces hommes ! Quel manque de respect de vouloir construire ça ici, dans un milieu si beau et si nécessaire.&nbsp;Pour moi, c’est comme si je vivais une nouvelle fois la destruction de mon village, une nouvelle attaque. Cette fois je ne vais pas m’enfuir, j’ai grandi, je vais la protéger avec toute l’aide que je peux trouver et tous les moyens seront permis. Sur internet, je trouve l’intégralité du projet de « l’écolodge » avec des photos des futures cases&nbsp;: jacuzzi, climatisation, échantillons de shampoing, d’après-shampoing, de crème pour le corps, de gel douche, de gel pour le visage, des activités jet-ski en mer et du quad sur la plage, quelques panneaux solaires, mais surtout un gros générateur, une piste d’atterrissage pour l’hélicoptère et… « the infinite pool ».

Et si nous tuions toute l’humanité et gouvernions le monde ? Complètement farfelu, la violence ne résout rien. Et si nous allumions la radio à fond dans leurs cabanes ? Et si nous les chatouillions ? Et si on couvrait les machines avec toute la pollution plastique de notre mangrove ? Et si nous trouvions un sorcier <a href="bookcreator://page/fRnCw31FTzaw-QGuKOON7w/left">feiticeiro</a>&nbsp;pour leur jeter&nbsp;un sort ? Et si nous entrions dans les machines et arrachions les câbles ? Et si nous envoyions de grands oiseaux pour&nbsp;saboter les câbles ? Les engins ? Voler leurs clés ? C’est une solution.

Un conseil de résistance se tient. Chacun a une proposition pour déjouer l’implantation du lodge: Et si nous leur demandions d’arrêter ? Idiot Et si nous creusions un trou ? Les machines tomberont dedans. Idiot. Et si nous conduisions les machines dans l’eau ? Idiot. Nous mesurons 10&nbsp;cm, elles sont énormes !

Je me dépêche de revenir à ma voiture. Je conduis le plus vite que je peux. En rentrant à Maputo, je téléphone à Élisa, à mes collègues, à mes amis en leur disant de contacter la presse, des journalistes, des associations, des ONG. Je vais faire imprimer des centaines d’affiches que je dessinerai moi-même. J’essaie de me concentrer sur l’affiche, mais mon esprit me ramène à des souvenir pas très heureux, des villageois qui s’enfuient, des soldats et des flammes, je vois mes amis en train de se faire emporter contre leur gré, moi ne faisant rien, immobile pendant que ma famille était en train de se faire massacrer. Je dois protéger les Minuscules, ils sont aussi ma famille. 

Ma première question :&nbsp;Est-ce qu’il y a à boire ? Est-ce qu’il y a quelque chose à manger ? Mais il n’y a rien du tout. C’est une cabane abandonnée et complètement délabrée. Des trous à la place des fenêtres et un rideau en guise de porte. Il manque une planche au sol du balcon, je me servirai de ce trou pour les toilettes parce qu’il est caché par un arbre aux étranges racines. Dans la pièce unique de ce refuge, une commode avec des livres usés sûrement laissés par l’ancien occupant qui devait être un ermite. Mais ce qui est le plus important, c’est que j’ai un abri. Je trouve beaucoup de choses utiles dans la cabane&nbsp;: des cartes, une gamelle, une boussole, un couteau, une machette, des allumettes, des bougies, une lampe à huile, une canne à pêche et un filet&nbsp;chingonbo, un meuble pour garder des choses, un miroir cassé. Je trouve de la ficelle pour attacher, pêcher, relier, soulever, tendre, ou même fabriquer un arc. Quelques bols en terre cuite, l’un&nbsp;d’eux est décoré de figures et de couleurs. Le lit est en bois et cordes tressées, comme chez moi. Il y a des caisses empilées près de la porte avec des dessins de la forêt et quelques vieux livres moisis sur les plantes et les fruits comestibles, une carte et des mines pour dessiner.&nbsp;Le livre a pour titre « Journal de ma vie avec les Minuscules ». À l’intérieur, des dessins de&nbsp;petits personnages&nbsp;sans aucune comparaison avec la taille humaine.

Je sens des chatouilles sur mes pieds, mais je ne me réveille pas. Une feuille touche mon oreille. Je sens comme un mille-pattes sur mon visage. J’ouvre les yeux et vois&nbsp;alors d’étranges figures sautant d’une branche à l’autre comme des puces&nbsp;sautant sur le dos d’un chien. J’essaie de m’approcher pour voir ce qu’il se passe et soudain je suis face à des créatures de moins de dix centimètres.&nbsp;Tellement petites ! Tellement minuscules.

-&nbsp;Qui es-tu ? me demande un des Minuscules. Ils parlent entre eux sans attendre ma réponse. Ils ne semblent pas d’accord. Il règne une grande confusion. L’un d’eux qui paraît vieux et savant me dit&nbsp;: - Enfant ! Tu n’as pas de famille avec toi, tu meurs de faim et de soif, reste avec nous, nous serons comme ta famille. Nous pouvons t’aider à survivre dans la mangrove et te défendre contre les prédateurs. Je les remercie profondément. Ils m’acceptent et j’accepte de vivre avec eux bien que cela soit inattendu. Est-ce que j’ai vraiment le choix dans ma situation ? Non. Je ne suis pas le premier humain qu’ils voient. Avant, dans la cabane, vivait un ermite. On y trouve encore ses livres. L’ermite a appris aux&nbsp;Minuscules à lire et à parler&nbsp;notre langue.

« Les Minuscules ont peur… le grand gravelot est de retour ! Il les attaque de son bec tranchant comme une épée. Comment se sortiront-ils de ce combat inégal ? »

L’invisible caméléon&nbsp;

Il travaille comme espion, mais pour qui ? Mais pourquoi ? Dans quel but ? D’où vient-il ? Que veut-il ? Quelle menace invisible plane sur les Minuscules ?

Je sens que ça va être un succès. Je passe en revue la collection de BD que j’ai écrites et m’amuse à relire les quatrièmes de couverture.

La course dans les avicennias interdits&nbsp;

Chaque année, le rite initiatique des jeunes Minuscules a lieu dans une forêt maudite pour éprouver leur courage. Personne n’y va jamais seul, il y fait trop sombre, trop froid et il y a trop d’ombres mystérieuses. Mais cette année, rien ne va comme prévu. Vont ils s’en sortir sains et saufs ?

L’histoire enflammée du héron cendré&nbsp;

La famine règne dans la mangrove. Après une dispute entre le héron et le pheonicopterus un incendie se propage. Dans quel état sortira la mangrove ? 

<a href="bookcreator://page/CBQ4tvf4RUq4S6vbHg_uLQ/left">Machamba</a> : le champ d’agriculture vivrière ou jardin potager.&nbsp; <a href="bookcreator://page/SF8dSn5CQGSS9zZkFmJmIQ/right">Prego</a> : pain coupé en deux garni d’un steak.&nbsp; <a href="bookcreator://page/t0yY8ph3Qj2IjdVFpdk3Ag/right">Capulana</a> : un pagne. <a href="bookcreator://page/KAnYNq2MSQqL8OcyadgC8g/right">Caniço</a> : roseau avec lequel on fabrique des toits, des nattes. <a href="bookcreator://page/bITMMrutQtGTnlc-Q7MuRQ/right">Feiticeiro</a> : un sorcier pratiquant la magie noire.

<a href="bookcreator://page/j6RuQTeMTzOqixAv7Ieh1A/right">1. La guerre</a> <a href="bookcreator://page/mK58DueSRhWkZSXW6mtAXg/right">2. Le secret de la mangrove</a> <a href="bookcreator://page/zTQT_XjeTO6oZHtkQXJfBA/right">3. Le combat</a> <a href="bookcreator://page/5K8mI8qMRl6AFys5tzDm2Q/right">Epilogue</a> <a href="bookcreator://page/Jc5pSQ8IQjK1B8YSN-yJLA/right">Remerciements</a> <a href="bookcreator://page/fRnCw31FTzaw-QGuKOON7w/left">Lexique</a>

Dans le grand coffre en bois bien fermé, je trouve un pot plein de miel. J’en mange un peu. C’est délicieux ! Derrière la&nbsp;cabane, il reste un foyer à trois pierres comme&nbsp;chez moi. À côté, il y a encore une ligne de pêche tenue entre deux troncs. Je suis souvent allé pêcher&nbsp;avec mon père dans la rivière à côté du village. Il m’a montré où&nbsp;attraper&nbsp;le poisson grâce aux courants. C’est une technique&nbsp;traditionnelle passée de génération en génération dans ma famille de pêcheurs. Mon père m’a appris&nbsp;à me servir du filet&nbsp;chingonbo. Le seul problème est l’eau douce, car l’eau que je trouve partout dans cette étrange forêt est salée. Je dois survivre ! Au loin, j’aperçois des palmiers se balançant doucement dans le rythme du vent... j’attrape brutalement la machette encore plantée près de la porte et je cours vers les cocos, leur eau, mon seul moyen de survivre. Enfin de la bonne eau douce dans ma bouche, mon corps! Dès la première finie, je me jette sur une deuxième. J’en ramène autant que possible vers la cabane et je m’endors enfin rassasié d’un sommeil lourd, mais agité.

Finalement, tout s’arrête, je ferme les yeux et je m’endors. Un éclair tombe. Je saute de peur. Puis je vois tout. Les animaux, les oiseaux, les arbres, mais plus important, je devine une cabane à quelques mètres. Je cours vers elle. Tout est redevenu obscur. Je ne vois plus rien. Je cours de nouveau dans cette direction. Je tombe, mais ça ne fait pas mal. Je suis sauvé. Je peux finalement échapper à cette forêt inconnue et cauchemardesque. Excité, je saute les escaliers trois par trois et j’entre dans l’habitation qui sauvera ma vie.

*&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; * &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; *

J’ai arrêté de marquer les jours sur le tronc de l’arbre de la cabane, mais cela fait maintenant longtemps que je vis dans la mangrove. Plusieurs années. J’ai beaucoup grandi. Je ne suis plus du tout l’enfant qui a quitté son village un jour de cauchemar. La peur de retrouver mon village dévasté et de connaître la vérité me fait rester ici avec les Minuscules.

Un jour où je me promène dans la mangrove, j’entends un bruit. Crac !&nbsp;Une branche s’est cassée en deux. Je m’approche pour voir ce que c’est. Je vois&nbsp;ce&nbsp;que je n’ai pas vu depuis longtemps&nbsp;: un être humain.&nbsp;Une fille. Elle est&nbsp;accroupie&nbsp;en train d’examiner&nbsp;une&nbsp;plante de près&nbsp;avec une loupe et griffonne dans un carnet. Elle ne m’a pas entendu. Je vois son profil parfait. Son odeur fruitée inconnue dans la mangrove vient jusqu’à moi, elle me rappelle brutalement celle des mangues juteuses de mon village.

Elle est belle, avec des cheveux bouclés&nbsp;attachés en chignon par une épingle en bois,&nbsp;sa couleur de peau mulata&nbsp;m’intrigue et m’attire.&nbsp;Ses yeux brillent au soleil comme deux perles de nacre. Elle&nbsp;a un T-shirt blanc et une <a href="bookcreator://page/fRnCw31FTzaw-QGuKOON7w/left">capulana</a>&nbsp;aux motifs orange nouée autour des hanches, remontée jusqu’aux genoux. Ses pieds sont nus&nbsp;dans la boue. Je m’approche&nbsp;silencieusement pour ne pas l’effrayer, mais je trébuche. Elle me&nbsp;dévisage comme si je venais d’apparaître par magie&nbsp;et détache très doucement ses cheveux. Ils coulent sur ses épaules comme l’eau de la rivière. Je me sens perdu dans un monde merveilleux&nbsp;où tous mes malheurs disparaissent. Un vertige s’empare de moi. Mais soudain,&nbsp;ce qui tenait ses cheveux devient une arme et&nbsp;elle pointe vers moi son épingle en bois. Le charme est rompu. - Qui es-tu ? - Je suis ... - Que fais-tu là ? - Je vis ici ! - Que veux-tu ? -&nbsp;Attention ! Derrière toi ! - Ah !&nbsp;Un serpent. Elle recule doucement et se cogne contre moi. Elle baisse son arme et rougit. Le serpent rampe vers nous. Je me mets devant elle. - J’ai pas besoin que tu me protèges, dit-elle. Au lieu de crier ou de s’enfuir, elle reste&nbsp;à l’observer avec intérêt.&nbsp;Le serpent nous contourne. Un frisson nous parcourt. Je la regarde très surpris. Je tape le sol des pieds avec beaucoup de force et le serpent s’enfuit.

Je les repose&nbsp;et&nbsp;m’apprête à sortir avec&nbsp;mon caméléon&nbsp;et mes crayons, mais soudain&nbsp;j’entends un bruit venant de la fenêtre.

Même si elle est brillante en sciences, cette fois-ci elle a tort. Je ne les ai pas imaginés, ils sont bien réels.&nbsp;Non ! Non ! Non ! Elle devra me croire. J’ai quand même trente ans, je sais de quoi je parle. Ce ne sont pas des êtres imaginaires. Élisa est ma fiancée, nous allons bientôt nous marier, je dois lui prouver l’existence des Minuscules sinon elle croira que je garde des secrets et elle pourrait m’en vouloir.&nbsp;Mais là, je n’ai pas le temps de lui expliquer. Le temps presse, alors je fais comme si de rien n’était et je l’embrasse amoureusement.

C’est un bruit dérangeant, mais j’ai l’impression qu’il m’appelle. Je vais vers&nbsp;lui,&nbsp;mais je ne vois d’abord rien. Je plisse les yeux et j’aperçois ces&nbsp;Minuscules que j’avais mis tant de temps à comprendre et à apprécier. Ils sont là, sur les dos d’oiseaux bulbul en me faisant des signes désespérés, ils ont l’air à bout. J’ouvre la fenêtre et les prends dans ma main. Élisa arrive. Vite je les cache derrière mon dos. Je prendrai le temps de lui expliquer plus tard. Elle n’a jamais cru à l’existence des Minuscules. Elle,&nbsp;c’est une scientifique, elle est sur le point de trouver un remède à base de moringa qui pourrait soigner le diabète. Moi, je suis un rêveur, un écrivain, un dessinateur. Élisa pense que tout se passait dans ma tête&nbsp;quand j’étais dans la mangrove, que j’hallucinais, seul et affaibli. La science n’a jamais prouvé leur existence et n’en a même jamais parlé, cela m’a aidé à survivre avant que je la rencontre avec son père.&nbsp;Elle croit que l’isolement m’a brouillé l’esprit et comme j’étais sans mes parents, sans ma famille, j’avais besoin d’amis et de compagnie.

Élisa me demande ce que je cache. - Rien, rien, j’observe les oiseaux. Elle acquiesce et&nbsp;s’éloigne. Je suis de nouveau seul avec les Minuscules. - Qu’est-ce que vous faites là ? - On a besoin de ton aide, disent les Minuscules les yeux pleins de larmes. - Qu’est-ce qui se passe ? - Notre village est en train d’être détruit par la construction d’un hôtel de luxe...

Je vois la fin du fleuve qui s’unit à un lac à la dimension infinie. Ma peau est toute collante de sueur. J’entre dans le grand lac pour me nettoyer et pour boire. Mais l’eau est toute salée et elle me pique les yeux. Cette eau est différente, elle est dégoûtante !

Mes pieds s’enfoncent dans une substance sablonneuse et humide. La succion de la vase.

Étrange odeur de l’eau. J’essaie de continuer à marcher, mais je suis tellement épuisé, à un tel point, que je ne peux plus.

Peu à peu, la nuit tombe. J’ai peur ! Maman, où es-tu ? Pourquoi m’as-tu laissé tout seul !? C’est un cauchemar. Mes pieds hurlent et brûlent, j’ai très mal partout. Je sens l’haleine du vent. Je respire l’air humide et collant, l’odeur de la végétation qui granule, le parfum des feuilles et des fleurs.

Je sens les moustiques qui me piquent et bourdonnent aux oreilles, des insectes me grimpent dessus. J’ai peur. Des animaux féroces sont cachés derrière la végétation, prêts à me dévorer. J’ai mal au ventre, à la tête. Je sens l’eau qui monte, d’énormes serpents s’enroulent autour de moi. Les arbres se penchent pour m’arracher la peau. Je suis perdu. Je découvre qu’il y a un arbre très étrange avec des grosses racines qui entrent dans la terre puis en ressortent. Je suis entouré par des piques comme des pièges. J’avance, mais je me prends le pied dans je ne sais quoi et je trébuche.

Élisa a exactement mon âge. Son père est&nbsp;naturaliste. Elle est&nbsp;aussi&nbsp;passionnée par la nature&nbsp;que lui.&nbsp;Elle l’accompagne&nbsp;souvent sur le terrain. Il a d’ailleurs passé beaucoup de temps dans une cabane construite dans la mangrove pour ses travaux. Une cabane un peu comme la mienne. Au fil de nos rencontres régulières, le père d’Élisa&nbsp;me&nbsp;propose de&nbsp;m’accueillir&nbsp;et de&nbsp;m’emmener avec lui dans la grande ville.&nbsp;&nbsp;Je&nbsp;connais&nbsp;déjà beaucoup de choses grâce aux&nbsp;Minuscules,&nbsp;mais je ne suis pas allé à l’école pendant plusieurs années. Dans mon village, je ne parlais pas souvent portugais.&nbsp;Je trouve cette idée un peu folle. Si je pars avec eux, je vais&nbsp;vers&nbsp;un autre monde, une autre vie. Je&nbsp;devrai&nbsp;encore m’adapter et je suis attaché aux&nbsp;Minuscules.&nbsp;Je devrais&nbsp;accepter et&nbsp;découvrir&nbsp;ce nouveau monde et connaître l’histoire d’autres enfants. On me promet d’avoir une bonne éducation et d’habiter dans une maison confortable.&nbsp;Mais comment faire ? Maintenant, les Minuscules font partie de moi, la forêt qui était un monde inconnu est devenue ma maison.

- Je ne peux pas vivre sans Élisa. Elle est courageuse, aventurière, parfaite... - Tu nous as apporté amitié et bonheur, mais c’est le temps de se dire au revoir, dit Delta. Ne nous oublie pas. Nous, nous t’adorons. Un jour, nous nous retrouverons. Seule Élisa peut me convaincre de revenir dans le monde « normal », mais maintenant ce monde m’est inconnu. Je suis déchiré entre deux émotions, je suis content de partir et triste de laisser derrière moi une grande aventure et une grande folie de tout ce que j’ai vécu. C’est comme une deuxième vie qui vient de commencer. Je reviens en larmes vers Élisa. Surprise, elle me demande&nbsp;: - Pourquoi pleures-tu ? - Je suis heureux de découvrir un autre monde, mais je suis triste aussi de laisser ma famille. - Mais quelle famille ? Tu es tout seul ici ! Je ne peux pas lui dire la vérité, elle me prendrait pour un fou. - Je... Tu as raison ! Je suis si habitué à être ici que cet endroit est devenu ma maison.

Le moment de prendre une décision est venu. Tout le monde est là et m’observe. De loin, je vois tous les Minuscules suspendus à mes paroles, je vois leurs larmes couler, je demande à Élisa et son père d’attendre un peu. Je recule parmi les palétuviers, tous les Minuscules m’entourent.

Je pars vers une éducation. Je pars vivre comme un enfant normal. Mais est-ce que je vais un jour les revoir, les entendre, les sentir à nouveau ? J’ai besoin d’une famille parce que j’ai perdu la mienne pendant la guerre.

J’accepte de les suivre. Je vais où je me destine. Je laisse ma famille&nbsp;de la mangrove. Je vais vers Maputo, une nouvelle ville, une nouvelle vie, une nouvelle maison. Je me sens protégé. Mais j’ai peur, que vais-je faire sans les&nbsp;Minuscules ? Ils font partie de moi. Je reviens vers ce monde qui&nbsp;était le mien et qui maintenant m’est&nbsp;inconnu. Je me demande si je suis content de retrouver mon monde d’humains. Je suis triste de ne&nbsp;jamais retrouver&nbsp;mes parents. Je laisse derrière moi cette belle aventure.

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