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Madame Suzanne

by Marie-Christine Albert

Pages 2 and 3 of 12

L'amitié qui dure !
Auteure: Suzanne Giguère

Collaboratrices: Betty, Clémence, Alessia, Maëlly, Olive et Syrianne
Illustractrices: Clémence, Alessia, Maëlly, Betty et Olive
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Ce jour-là, la dame que l’on disait âgée maintenant puisqu’elle avait 75 ans, avait communiqué durant la journée avec son amie de longue date. Celle-ci habitait la belle région de Charlevoix. C’était magique pour ces deux femmes de communiquer par FaceTime tous les jours. Se voir et se parler en même temps, c’était bien loin de ce qu’elles avaient vécu durant leur enfance. Il arrivait que le téléphone à l’époque de leur enfance soit associé à plusieurs numéros et chaque numéro avait un son de cloche particulier pour chaque abonné.

Pouvez-vous croire, elles étaient amies depuis leur primaire! Cela faisait donc plus de 70 ans d’amitié! Oui, oui, leur amitié avait voyagé dans le temps et avait bravé toutes ces années pour rester fidèle l’une à l’autre. Elles étaient maintenant des grands-mamans. Toutes les deux avaient étudié pour devenir professeur. Lyse avait enseigné au primaire et Suzanne avait enseigné au secondaire. Chaque fois qu’elles se parlaient, elles aimaient se rappeler des souvenirs du bon vieux temps.
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Ce jour-là, en particulier, elles avaient réveillé quelques souvenirs appartenant à leur école primaire. Elles avaient énuméré le nom de tous leurs professeures de la première à la huitième année. À cette époque-là, le primaire se passait sur huit années. Elles se rappelaient très bien de leur costume d’écolière, car c’était obligatoire de porter le même costume pour toutes les petites filles de leur école, une tunique bleu marine portée à la hauteur des genoux et une blouse blanche, le plus souvent à manches courtes et bouffantes.

L’amie de Charlevoix, Lyse, se souvenait d’une petite boucle rouge attachée au col de la chemise blanche tandis que celle qui habitait dans le grand Montréal, Suzanne, se souvenait plutôt d’une petite boucle bleue faite de papier froissée qu’elle portait accrochée dans ses cheveux. Rendues à leur âge, il se pouvait que leurs souvenirs se mélangent. L’important, c’était qu’elles riaient d’un rire sonore quand elles se racontaient ce temps de l’école d’antan.
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Elles en avaient long à se raconter. Combien de fois s’étaient-elles dit :
« Te rappelles-tu? »

Lyse se fit rieuse en voulant lui rappeler comment les garçons et les filles étaient séparées :

- Te rappelles-tu de la cours de récréation?

Suzanne lui répondit :

- C’était bien différent d’aujourd’hui. Les garçon avaient leur école et les filles avaient la leur.

Lyse s’empressa d’ajouter :

- C’est bien vrai et leur cour de récréation était séparée de la nôtre par une clôture. Comme on disait à cette époque, les gars d’un bord et les filles de l’autre. Ce qui ne nous empêchait pas de leur écrire de petits mots doux et de les échanger à travers les trous de la clôture de métal. Te souviens-tu de...

Toutes les deux en riaient maintenant. Les petites filles d’aujourd’hui et leurs copains, les garçons, fréquentent la même école et la même classe. Comme ça, ils apprennent à vivre ensemble et à mieux se connaître.
Après plus d’une heure à se rappeler tous ces beaux souvenirs, elles interrompirent leur FaceTime. Leur conversation avait donné le goût à Suzanne de retrouver de vieilles photos datant de l’école d’antan. Comme il pleuvait cette journée-là, elle choisit d’ouvrir une vielle grosse boîte à souvenirs. Regardant une photo, puis une autre et encore une autre... son esprit s’envola sur les grandes ailes d’un oiseau migrateur, comme l’avait fait Nils Holgerssons, le héros du roman Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède.
Cette vieille dame se retrouva dans le corps de la petite fille de 6 ans qu’elle avait été. Étonnée, elle portait la tunique et la blouse blanche, sans oublier la petite boucle bleue accrochée à sa chevelure. Bien sagement, elle était assise dans sa classe de l’école d’antan. Elle appelait son professeur madame Mongrain et la vouvoyait.

C’était son professeur de première année. Au tableau noir, en avant de la classe, il y avait un dessin fait par son enseignante. Ce dessin lui inspirait une certaine peur, il la terrifiait même. Il représentait un démon avec sa fourche et les feux de l’enfer étaient colorés en rouge vif. Quand les élèves étaient bavardes ou dissipées, la professeure les plaçait dans le coin face à ce terrible dessin. Suzanne espérait de tout son cœur ne jamais aller dans ce coin de la classe.
Quand elle commença sa première année du primaire en 1952, Suzanne ne connaissait pas encore Lyse. Elle habitait sur une autre rue que celle de Lyse et elle s’amusait avec une petite voisine qui s’appelait Christiane. Chaque matin, ensemble, Suzanne et Christiane se rendaient à l’école primaire qui se nommait L’École Saint-Ambroise. Elles couraient parfois, ou trottinaient. Cette école était située à proximité de l’église et à une dizaine de minutes de leur domicile. Malheureusement, Christiane et Suzanne n’avaient pas été placées dans la même classe. Lyse aussi n’était pas dans la même classe que Suzanne. Cependant, à chaque récréation, Lyse, Christiane et Suzanne se retrouvaient sur la cour d’école pour soit jouer au ballon, soit pour danser à la corde ou même se promener avec la surveillante de la récréation. L’hiver, leur jeu préféré sur la cour de récréation était les billes. Elles faisaient des trous dans la neige et elles s’amusaient à savoir qui gagnerait le plus de billes qu’elles mettaient dans une grande poche mauve. Les jours de pluie, elles faisaient de l’éducation physique dans la grande salle située au premier étage de leur école. Ce n’était seulement qu’à ces jours de pluie qu’elles en faisaient. Quand le vendredi arrivait, c’était une grande joie pour toutes les élèves parce que c’était la journée pour faire des dessins.
Ce matin-là pour se rendre à l’école, Christiane n’avait pas été au rendez-vous pour faire le chemin jusqu’à l’école. La mère de Christiane était venue prévenir la mère de Suzanne que sa fille n’irait pas à l’école cette journée-là et lui annonça leur déménagement prochain. Son amie Christiane déménagerait au mois de janvier. Son cœur était triste de perdre son amie de cœur. Chemin faisant pour aller à l’école, elle se dit que son amie Lyse aurait elle aussi de la peine de perdre une amie.

Cette journée-là, à l’école, elle n’était pas très en forme. En arrivant dans sa classe, comme à l’habitude, toutes les élèves récitèrent une prière pour débuter la journée. Suzanne pria pour se trouver une autre meilleure amie. La professeure leur distribua du lait. Puis, elle commença à leur lire le texte qu’elle leur donnerait en dictée.

À chaque phrase qu’elle écrivait, la petite Suzanne était distraite. Elle ne pouvait pas s’empêcher de penser qu’elle perdait son amie Christiane. Souvent, elle effaçait le mot qu’elle venait d’écrire et ainsi barbouillait sa feuille de dictée. Elle devait écrire cette dictée d’examen en suivant chaque ligne de son transparent. Pauvre petite, elle n’y arrivait pas, trop absorbée qu’elle était par la perte de son amie.

Quand la professeure se promenait en prononçant plusieurs fois chaque mot de la dictée, elle s’arrêtait parfois auprès des élèves qui avaient fait des fautes d’orthographe. Alors, elle leur donnait une petite tape sur la main pour les prévenir d’une erreur. Cette journée-là, Suzanne craignait de faire des fautes d’orthographe, mais elle craignait davantage de recevoir cette petite tape.
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