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Nos éclats de vie

by Pascale Ansoux-Lama

Pages 2 and 3 of 53

NOS ÉCLATS de VIE



Ecrire à la façon de Philippe DELERM


ILCF- 2021-Groupe 14
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Nos Éclats de vie est un recueil de textes patiemment imaginés, rédigés et sculptés entre février et mai 2021.

Ils relatent de brefs instants de nos vies, des moments captés au fil du temps, décrits de telle sorte que tout lecteur, toute lectrice y saisira une image, une sensation qu'il-elle reconnaîtra comme sienne.

Ces textes sont une invitation à savourer, à saisir l'émerveillement dans les plus petits recoins de notre existence.

Bonne lecture!
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« Une heure à la Gare de Lyon »



Montparnasse est loin et la Place de République est vide. Quelle heure est-il ? Où est-on ? Le temps est-il déjà perdu ? C’est le soir, avant l’arrivée d’un train à Lyon, dans un café à la Gare de Lyon. L’emploi de temps est bien prévu. Cette gare, située au Nord de la (rivière) Seine, dirige une vie parisienne vers le Sud autant qu’elle accueille la vie de la province au cœur de la capitale.

Même ce café est touché par cet échange à travers le temps entre la capitale, Paris, et les régions provinciales autour de Lyon. À l’intérieur du café, le décor de style Louis XVI coule partout. À la lumière d’un miroir grand en haut d’une cheminée, le café a l’air d’un salon bourgeois, pleine d’espoir, confiant en soi. Cette salle est vivante. Sur le mur se trouve une peinture de Pierre Bonnard, La Terrace à Vernon, où on voit une bouteille de vin sur la table. Édith Piaf et George Brassens chantent. Cette soirée est-elle dédiée à l’Auvergne ? Ou le Rhône, peut-être ?

Il semble que l’heure avant l’arrivée du train soit précieuse. La vision devient plus claire, on s’aperçoit du passage du temps du futur au passé. Le futur et le passé sont plus immédiats, car le temps du présent englobe les autres temps. Un paradoxe arrive selon lequel le temps s’arrête mais continue, on se souvient bien mais on oublie assez vite. On observe l’impermanence de ce qu’on entende dans le café : le bruit, le silence, les activités, les pauses. N’importe quelle question peut arriver dans ce temps du présent qui englobe tout. « Où va-t-on ? »
Une réponse à ce genre de question exige l’effort. Il faut chercher les mots. En même temps, certains mots sont déjà donnés, grâce à ceux qui ont utilisé ce lexique auparavant. Cela donne la direction. D’une certaine façon, la parole organise le temps. Sur le mur on lit, « liberté, égalité, fraternité ». Figé devant ces trois grands mots, est-il possible d’apprendre leurs sens en une heure, même dans une espace comme ce café de la Gare de Lyon, l’intérieur d’un intérieur, comme l’espace du Sainte des Saints ? On peut douter, mais un doute prend le temps.

La grande horloge à la Gare de Lyon rappelle qu’une heure est au centre de la vie. Illuminées par le soleil durant la journée, l’horloge brule assez fort pendant la soirée grâce à sa propre lumière. L’heure est omniprésente, comme des familles attendent leurs trains, comme les personnes seules sont assez attentives. Sous ce temps, ils restent ensemble. Durant la nuit, c’est la lune qui projette des ombres diverses sur le visage de l’horloge : l’ombre d’un arbre, d’un mur, d’un oiseau. Malgré la présence de ces ombrages, le temps continue à passer. Un jour suit une nuit, comme une nuit suit un jour. À la lumière ainsi que dans l’ombre, le temps reste omniprésent.
Justin
source : sncf.fr
Le Voyage du thé


Une fois qu’on ouvre une boîte de girofles, on sillonne un pays arabe.

On passe un petit séjour dans un marché autour du désert du Sahara, ses clous ont été achetés par un marchand musulman coiffé d’un Turban, un tissu qui permet de se protéger la tête, près duquel un chameau dort paisiblement. Une fois évoqué dans un monde parallèle, comme si on dépassait le concept temporel et spatial, notre esprit flâne plus librement. 

Une autre fois, on ouvre une autre boîte. Il s’agit de la boîte aux bâtons de cannelle, issus du Sri Lanka, nous inspirant un village anglais. Ces cannelles nous lancent un sort puis elles nous transforment en un citoyen de l’empire britannique. Ce même sort qui prit la reine Victoria en 1877 lorsqu’elle devint la reine. On prend quelques épices dans son French press, on saisit une casserole et fait bouillir de l’eau dedans, on entend des bruits vifs et on chauffe de l’eau. Les doigts pincent trois grains de girofles et un bâton de cannelle. L’odeur reste dans l’air en cuisine et nage vers le reste des pièces. Pendant que l’eau chauffe, notre sentiment s’envole. A mesure qu’on attend l’eau chaude prête, on est transporté dans un lieu insolite bizarre, excentrique et exotique. Comme si une sorcière maléfique des quatre coins du monde le jouait par sa magie ou alors comme si des anges exquis nous invitaient dans l’éden. 

     On prend l’eau chaude, qui avait joué une mélodie, dirigé un orchestre puis chanté comme si elle était sur le point d’effectuer la Symphonie nº 9 de Beethoven. On verse de l’eau dans le French press. La vapeur prive donc notre vision de ce qui se passe devant nous. Tout d’un coup, l’eau est envoûtée, changeant sa couleur et plus en plus foncée. Une fois que la fragrance augmente, elle nous hypnotise dans un monde fascinant éloigné du monde qui nous entourait. Le beau nuage de plus en plus épais, profond et massif.
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